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Pourquoi suis-je décroissant ?

Publié le 05 septembre 2012 par Boprat
Source : blog Confluences - Michel Lepesant
Je reprends la totalité pour mémoire et parce que la synthèse est très bonne.
Pourquoi suis-je décroissant ?
Les décroissants veulent-ils changer le monde ?
  • Etre décroissant : la croissance n’est pas une solution mais un problème.
  • Et pourtant nous voyons les choses du « point de vue des dominés » = nous sommes de gauche
  • et même socialistes : du socialisme utopique (mais pour nous, une utopie n’est pas un « but » mais un « dé-but »).
  • nous sommes de la gauche anti-productiviste : parce qu’une croissance infinie dans un monde fini est une mystification économique et écologique : le travail n’est pas non plus pour nous une solution (au chômage) (nous savons très bien que dans le monde de la croissance, le chômage n’est pas un problème, il est juste une solution).
  • (et comme il n’y a pas de production sans consommation) : nous sommes aussi des anti-consuméristes (la société de consommation est absurde : une croissance infinie dans un monde fini est absurde).
  • c’est donc le « monde de la croissance » que nous rejetons (et pas seulement la « croissance »).
  • et comme nous rêvons d’un monde écologiquement responsable, socialement juste, démocratique, nous le commençons « sans attendre ».
  • dans nos expérimentations sociales et écologiques minoritaires (des « luttes pour et avec » au lieu de risquer de s’enfermer dans les seules « luttes contres » – des formes classiques de la résistance à la désobéissance).
  • et si nous commençons ainsi sans attendre c’est parce que nous sommes « sans illusion » sur la prise préalable du pouvoir comme condition pour changer le monde.

Qui sont nos « adversaires » ? En tant qu’organisation politique groupusculaire qui passe son temps à se définir en se différenciant, nos « adversaires » sont donc (du plus éloigné au plus proche ) :
  • la droite (parce qu’ils ont le point de vue des dominants) : la décroissance, c’est la décroissance des inégalités (donc, cf. Gadrey, OK pour la croissance des plus appauvris).
  • la gauche productiviste (parce qu’ils n’ont rien compris à la contrainte écologique) : la décroissance, c’est la décroissance de la valeur-travail (donc, OK pour un revenu inconditionnel couplé à un RMA).
  • les écologistes d’accompagnement (parce qu’ils croient à la prise préalable du pouvoir) : la décroissance, c’est la décroissance du pouvoir (donc OK pour mandat unique, non-renouvelable, tirage au sort, bilan d’étapes… + services publics re-territorialisés par des régies territoriales de l’eau, de l’éducation, de l’énergie, des transports…).
  • les décroissants de la simplicité volontaire (parce qu’ils ne sont que la variante baba-coolisée de l’individualisme généralisé) : la décroissance, c’est la décroissance de la dépolitisation.

Peut-on faire une différence nette entre objecteur de croissance (OC) et décroissant ?
  • l’objecteur de croissance veut arrêter le train de la croissance : il objecte à la poursuite de la croissance
  • le décroissant (l’image vient de Serge Latouche) s’aperçoit que cela fait bien longtemps que le train est sur la mauvaise voie et que la question n’est pas d’arrêter le train mais bien de le faire revenir à l’aiguillage : toute la difficulté politique, c’est que ce « revenir » ne doit pas être pensé comme un « retour » mais bien comme un « à-venir » : revenir à un seuil ne veut pas dire revenir au monde tel qu’il a existé à ce seuil.
  • l’aiguillage, c’était le moment où le monde dépasse l’empreinte écologique soutenable (un peu au-dessus de 1 ; ce qui s’est fait autour des années 70)
  • Cela fait donc 40 ans que nous avons dépassé le point où il suffirait d’objecter à la croissance
  • Aujourd’hui, le décroissant veut revenir à une empreinte écologique soutenable, il va donc falloir revenir à un seuil soutenable (grosso modo passer d’une empreinte aujourd’hui de plus de 4 pour les pays « enrichis » à une empreinte le plus près possible de 1 ;pour les autres pays, les pays « appauvris », ils pourront encore continuer de croître pour nous rejoindre).
Pour faire vite, on peut parler de « point » d’équilibre mais en réalité il devra s’agir d’un « espace » d’équilibre : c’est évidemment l’espace écologique (le plancher de l’espace écologique répond à la question sociale et le plafond répond à la question écologique : entre les deux, il y a toutes nos réponses à la question « humaine » du sens même de notre présence sur terre ; le tout est discuté démocratiquement = l’espace écologique est un espace de discussions, un « terrain d’entente »). Le « Sud global » pourrait emprunter un « tunnel de croissance » : 1/ histoire de ne pas répéter notre histoire à nous de croissance 2/ histoire surtout qu’au moment où nous devons défendre une vision buissonnante de notre futur, il s’agit bien évidemment de ne pas continuer à présenter le Nord global comme le modèle à suivre : « à chacun son buisson » d’expérimentations.
  • Nous, nous devons décroître et eux ils peuvent continuer à croître (Jean Gadrey dans son dernier livre prouve que la croissance jusqu’à un certain point est bénéfique ; nous les « enrichis » cela fait bien longtemps que nous avons atteint ce « point » et que nous l’avons dépassé : alors il va nous falloir dé-croître, dé-produire, dé-consommer.
Bref, si nous vivions en 1970, nous devrions être des OC mais cela fait 40 ans que nous dépassons les limites, les seuils de soutenabilité : il va donc falloir y revenir. La « décroissance », c’est ce retour à la soutenabilité mais un retour politiquement assumé et volontaire et surtout dans un esprit de justice et d’égalité (sinon, un retour sans combattre les inégalités, c’est la « récession » et cela nous n’en voulons pas). Je ne suis donc pas du tout d’accord avec la distinction de Paul Ariès : pour lui, le décroissant est un « baba cool austère et rigoriste » ; je ne crois pas que cette « catégorisation » soit politiquement pertinente. Pour moi, c’est l’OC qui est moins cohérent que le décroissant : car si on se contente d’objecter aujourd’hui à la croissance, on maintient les inégalités et les indécences. Car il serait irresponsable de croire que le monde tout entier pourrait vivre comme nous vivons ; pour cela, il faudrait 4 planètes pour l’Humanité ; or, il n’y en a qu’une : la même pour tous. Il va donc bien falloir reculer le train(-train) de notre mode de vie et cette période de transition (revenir d’une empreinte 4 à une empreinte proche de 1); si elle est volontaire, c’est la décroissance.
Exposer et discuter de la décroissance Exposer :
  • les raisons de l’objection de croissance (empreinte écologique d’une minorité d’enrichis aux dépens d’une majorité d’appauvris)
  • la nécessité d’une transition pour passer de notre société de croissance à une société d’a-croissance : si cette transition est volontaire, elle est la « décroissance »
  • cette décroissance est bien une diminution du PIB (et donc de l’empreinte écologique), elle est donc bien le contraire de la croissance économique et elle signifie bien une diminution du niveau de vie, du pouvoir d’achat, etc.
  • Cette décroissance est bien la dé-croissance des enrichis (revenir à une empreinte écologique de 1 et un PIB/habitant des années 1970)
  • Pour les « appauvris » : OK pour une croissance économique (les travaux de Gadrey calculent parfaitement le seuil jusqu’où monter)
  • Les deux courbes – celle descendante des enrichis et celle ascendante des appauvris – dessinent ainsi une historicité et une internationalisation de nos propositions (je me suis appuyé sur la notion de « dette écologique »).

Mettre en avant dans une discussion
  • la nécessité d’avoir une approche systémique et non systématique : le monde d’aujourd’hui est faux, laid et absurde ; nous rêvons de sens et de beauté…
  • la facilité que la relocalisation permet dans la compréhension et donc la maîtrise de nos vies
  • l’impossibilité de savoir à l’avance le monde idéal et la nécessité d’une vision contingente et buissonnante de l’avenir
  • la nécessité d’expérimenter : parce que nos alternatives concrètes prouvent que d’autres mondes sont possibles
  • la peur de rester enfermés dans le « quant-à-soi » et les « communautés terribles » et pour cela il faut « ouvrir » nos « utopistes » : 1/ au travail du projet (oui, oui, faire de la « théorie ») et 2/ à la présence aux élections (confrontation avec les électeurs et avec les autres organisations politiques)
  • la nécessité de ne pas se cantonner à des revendications de rupture mais de faire aussi des propositions de transition,par exemple :
- gratuité des 1ers m3 d’eau, de la santé, des énergies de base, du logement…
- plutôt que de demander immédiatement un revenu inconditionnel, passer par la revendication d’une retraite de montant unique - plutôt que de demander immédiatement la suppression de la voiture, imposer une garantie « pièces et main-d’oeuvre » de 15 ans… - articuler notre demande d’une décision immédiate de sortie la plus rapide possible des nucléaires avec une transition énergétique, avec une maîtrise relocalisée des énergies (celle qui pose d’abord la question des besoins de consommation).. - demander un revenu maximum acceptable… toutes ces propositions devraient être systématiquement mises en avant dans nos « visibilités » politiques = des mesures programmatiques…

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