Magazine Cinéma
Scène de la vie ordinaire d’un multiplexe passé au tout numérique ? C’est un samedi soir à 20h30. J’attendais sagement qu’il soit l’heure de ma séance de « Rebelle » (oui, je sais, j’ai un peu de retard…). J’étais aux Halles, dans une partie du cinéma où un ouvreur gère seul quatre salles en même temps. D’un instant à l’autre, la séance précédente serait terminée, et nous pourrions entrer en salles. Pendant ce temps, l’ouvreur laissait encore passer quelques spectateurs pour « Dark Horse » qui était sur le point de commencer.
C’est alors qu’une spectatrice sort prestement de la salle située juste à côté du contrôle des billets et interpelle l’ouvreur en lui montrant son billet : « Il y a un problème là, L’Âge de Glace 4 passe en VF. C’est censé être en VO, regardez c’est bien écrit sur mon billet, VO, mais le film passe en VF ». L’ouvreur semble être un petit nouveau, sa tête ne me dit rien, il ne sait pas trop comment réagir, n’est peut-être pas très cinéphile, je ne sais pas, mais toujours est-il que pris de court, il marmonne à la spectatrice quelque chose comme « Désolé madame je ne peux rien faire ». Étonnée, la spectatrice retourne en salles. Sa docilité m’étonne, mais la voilà qui revient 10 secondes plus tard avec une autre spectatrice. Qui fait la même remarque que la précédente à l’ouvreur, cette fois avec plus de fermeté. L’ouvreur n’a pas le temps de répondre, une troisième spectatrice sort de la salle (diable, que viennent faire toutes ces quadragénaires devant « L’Âge de Glace 4 » un samedi soir ?) avec la même complainte. « On a payé pour voir le film en VO, en VF c’est nul, vous vous débrouillez, mais c’est à vous d’arranger ça ».
Le petit ouvreur commence à paniquer. A ce rythme-là, dans deux minutes, il se fera lyncher, et à raison, car si j’étais dans la même situation que ces spectatrices, moi aussi je l’aurais mauvaise. L’ouvreur se cramponne à son talkie-walkie et explique la situation à quelqu’un au bout du fil. Pendant ce temps, un couple sort de la salle, voit que les plaintes se sont déjà faites entendre, en rajoute une couche et se dirige directement vers la sortie. Les autres spectatrices en colère tentent de les rattraper, essayant de faire front, craignant peut-être que si elles ne sont pas assez à se plaindre, elles ne seront pas assez bien entendues. Pendant ce temps, elles continuent à se faire entendre, les spectateurs continuent à sortir de la salle, et l’ouvreur reste pendu au talkie. Les grésillements semblent parler d’un stand. Il répond : « Et je fais quoi moi, je vous envoie toute la salle au stand alors ? » avec un ton plein de sarcasme qui me plait. Nouveau ou pas, cinéphile ou pas, le gars a compris que sa vie n’était pas loin d’être en jeu dans l’affaire, et les yeux noirs qui ne le quittaient pas d’une semelle étaient là pour le lui rappeler. Il semble convaincre quelqu’un de venir discuter du problème avec les intéressés.
Les minutes s’écoulent, et il est amplement l’heure que nous autres spectateurs de « Rebelle » entrions dans notre salle. L’ouvreur le sait et dit aux spectatrices en colère : « Il faut que je fasse entrer les gens dans la salle ». L’une d’elles répond : « Ah non vous ne vous défaussez pas hein, ne passez pas à autre chose ». « Ne vous inquiétez pas madame, les personnes qui pourront faire le nécessaire sont en route, mais là il faut bien que je fasse entrer les gens, leur film va commencer ». Eh oh, je soutiens ton combat l’indignée, mais va pas me gâcher ma séance au passage quand même… C’est bon, elle l’admet, et c’est à nous… le problème c’est que moi le feuilleton me passionnait. Je veux connaître la suite !!! Mais la salle m’aspire, et me voilà qui me dirige vers mon film en n’ayant pas eu le fin mot de l’histoire. Le cinéma aura-t-il interrompu la projection pour mettre le film en VO ? Auront-ils remboursé les spectateurs mécontents (mais à l’heure des cartes illimitées, se faire rembourser signifie-t-il encore quelque chose ?). Que s’est-il passé ???!!!!! Je n’en sais rien.
Pendant un instant, j’ai craint que l’incident ne se produise également dans notre salle, que nous n’ayons pas droit aux flamboyants accents écossais de la VO… mais non, ils étaient bien là les « r » chantant des Highlands, les voix de Billy Connolly, Kelly McDonald, Craig Ferguson… Nous avons eu droit à notre VO pour ce petit Pixar loin de leur meilleure forme. Mais pour rien au monde je ne l’aurais vu en VF. Le combat de ces spectatrices en colère était parfaitement légitime. J’aurais aimé connaître la résolution de l’affaire… L’un d’entre vous la connaîtrait-il ?