A Aulnay-sous-Bois, du côté de l’usine PSA, c’est la rentrée aujourd’hui. Après des congés et une semaine de chômage technique. Vous avez pu suivre, ici et là, que le site est bel et bien menacé de fermeture en 2014, condamnant les salariés de PSA, ceux de la sous-traitance et leurs familles. C’est dans ce climat que les PSA ont repris le chemin de leur boîte ce 4 septembre au matin, pendant que leurs bambins prenaient, eux, la direction de l’école.
J’ai suivi, sur les chaînes d’absence d’info, cette reprise. J’ai écouté le camarade Jean-Pierre Mercier, délégué CGT, expliquer les mesures prises par la direction : renforcement des équipes de vigiles, « sécurisation » d’un bâtiment pour éviter les éventuelles séquestrations de cadres, directives pour faire considérer tout dépassement du temps de pause ou toute discussion hors des temps prévus pour comme du « temps de grève ». Un arsenal préventif aux relents… que vous voudrez bien qualifier de vous-mêmes. Et qui a bien dû coûter quelques centaines de milliers d’euros. Mais, c’est bien évidemment d’une réaction violente des syndicalistes que le pouvoir en place tient à prévenir le bon téléspectateur.
Dans cette mission, l’inénarrable Arnaud Montebourg, déjà étrillé dans ces colonnes, justifie pleinement le mal que j’en dis en appelant les syndicats à « faire preuve de responsabilité économique ». Pour être sûr de se bien faire comprendre, il en a rajouté : « Les syndicats doivent penser à tous ceux qui restent, les 100 000 salariés de Peugeot ». Ce sont bien évidemment les syndicalistes qui envisagent de délocaliser leur outil de travail au motif que les bénéfices de PSA sont orientés à la baisse par rapport à l’exercice précédent. Ce sont bien évidemment les syndicalistes qui condamnent dix milles (!) personnes au chômage dans un département qui a déjà connu plus que son comptant de plans de licenciements. Putain, Arnaud ! La décence, ça te dérange à ce point-là ? A tout le moins, il est en cohérence avec les courbettes qu’il a prodiguées au lobby ultra-minoritaire mais patronal appelé le MEDEF.
N’attendant rien de Montebourg, j’escomptais questionner Moscovici, son supérieur du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie avec lequel, parmi d’autres blogueurs, j’avais rendez-vous hier soir. J’ai en mémoire quelques chiffres. PSA n’a réalisé que 588 millions d’euros de bénéfices mais va dépenser un milliard d’euros (!) pour fermer Aulnay. D’un autre côté, le Crédit Immobilier de France, la banque bien connue (si, si, cherchez bien) se voit offrir la garantie de l’Etat à hauteur de 20 milliards d’euros. On peut donc impunément saigner l’industrie automobile française, mettre à mort 10 000 personnes, mais sauver une banque. A cette question, Moscovici ne répondra pas. Une urgence l’a contraint à annuler notre rendez-vous collectif. Je ne lui en tiens pas grief, le seul souci reste que ma liste de question s’allonge de jour en jour.
Pour en revenir à la situation de PSA, qui est accessoirement en délicatesse avec le fisc espagnol, les résultats se seraient aggravés depuis la publication des chiffres pour 2011. On parle de 800 millions d’euros de perte. Soit. Là, effectivement, on peut parler de problème économique. On peut aussi se rappeler que les propositions des organisations syndicales, ces « irresponsables » (sous entendu de Montebourg), visant à réorienter la production en direction de modèles écologiques, ou hybrides à tout le moins, sont toujours restées lettre morte. Plutôt que d’investir pour faire évoluer sa gamme, en tenant compte des aspirations citoyennes à des véhicules plus respectueux de l’environnement, PSA a préféré rester campé sur la production de voitures à moteur diesel et n’a cherché la diversification que dans les marchés émergents où le groupe a construit des usines.
Bienvenue dans le merveilleux monde du capitalisme. Là où l’être humain n’est qu’une variable d’ajustement comme tant d’autres. La rentrée des amis de PSA me laisse un goût amer. L’inanité des discours gouvernementaux me laisse sans voix, bien que sans surprise. Pour chacun d’entre-nous, l’heure est au choix : se mobiliser aux côtés des salariés d’Aulnay ou renoncer, comme l’a déjà fait le parti « dit sérieux ».
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