Séquestration

Publié le 04 septembre 2012 par Toulouseweb
Les Etats-Unis au cœur d’une bataille budgétaire sans précédent.
Le mot est le męme en anglais et en français, séquestration. Il s’est invité avec fracas dans l’actualité politique américaine et joue un rôle important, peut-ętre décisif, dans la campagne présidentielle. L’acception de Ťséquestrationť est nouvelle : il s’agit, dans le jargon politique, d’évoquer la réduction massive des budgets fédéraux, de 917 milliards de dollars sur 10 ans, et cela ŕ partir de l’année fiscale 2013. L’objectif de l’administration Obama tient en peu de mots, arręter une fois pour toutes la spirale infernale des déficits publics et tendre vers un retour ŕ l’équilibre des comptes de l’Etat. Ce qui est d’autant plus difficile que la basse conjoncture complique singuličrement la tâche tandis que l’opposition des Républicains ŕ la Ťséquestrationť se déploie avec une violence inouďe, l’opération, si elle devient réalité, risquant de provoquer d’importants dommages collatéraux en matičre d’emploi. Ce qui n’est pas son moindre paradoxe.
De toute maničre, le cheminement de pensée des Américains, en cette matičre, dépasse constamment notre entendement. A commencer par le fait que les Républicains, chantres du Ťnon-Etatť, qui iraient jusqu’ŕ rayer l’Etat-providence de la carte, qui s’en prennent avec une belle constance ŕ une administration fédérale accusée de tous les maux de la Terre, sont violemment opposés au principe męme de la séquestration. D’oů la mise en œuvre de groupes de pression trčs puissants, le déchaînement de lobbies, ŕ commencer par celui que constitue le Ťcomplexeť militaro-industriel.
Chacun s’y attendait dčs les premiers instants : c’est le département de la Défense qui contribuera le plus aux économies prévues, pour plus de la moitié. Et c’est bien lŕ que la situation politique se complique : les Républicains s’estiment garants, bien plus que leurs opposants, du statut de super grande puissance des Etats-Unis. Et, pour reprendre une expression qui fit florčs en France dčs la fin de la Guerre Froide, il ne saurait ętre question de baisser la garde sous prétexte que l’ennemi Ťpotentielť serait ŕ genoux. L’idée, vue avec le recul, était judicieuse et, pour l’en convaincre, il suffit aujourd’hui d’écouter Vladimir Poutine ou de tendre l’oreille vers les nouvelles zones grises, au plan géopolitique s’entend. Encore, exemple choisi au hasard, que la destruction des moyens nucléaires de l’Iran n’exige pas une armada de bombardiers furtifs dont la raison d’ętre s’est peu ŕ peu évaporée. En męme temps que la notion de territorialité, moins présente que précédemment dans tout scénario guerrier, imaginé au Pentagone ou ailleurs.
Quoi qu’il en soit, l’industrie de Défense américaine déploie les grands moyens, et joue de toutes ses forces de sa puissance économique. Le Grand Old Party a pourtant choisi une autre tactique pour s’opposer ŕ la séquestration. C’est cette derničre tout entičre qui est contestée, et pas uniquement son impact sur les fournisseurs du Pentagone. Le tandem républicain Mitt Romney/Paul Ryan ne fait pas dans le détail.
Des chiffres apocalyptiques circulent, invérifiables quant au nombre de suppressions d’emplois qui pourraient résulter de la tentative d’assainissement des finances publiques américaines. Et, pour faire bonne mesure, l’opposition républicaine commence ŕ chercher des arguments hors questions de Défense. Ainsi, les budgets rognés de la Federal Aviation Administration retarderaient considérablement la modernisation trčs attendue de la gestion de l’espace aérien civil. L’obligation de procéder ŕ des mesures d’économies drastiques pourrait ainsi conduire ŕ la fermeture de plus de 200 tours de contrôle, sur des aéroports secondaires, de nombreux postes seraient supprimés, les compagnies aériennes seraient prises en otage, des douaniers, des employés de sűreté perdraient leur emploi, etc.
Mitt Romney a annoncé la couleur : s’il est élu, en novembre, il s’empressera d’arręter ce désastre annoncé. Mais il n’explique pas comment il s’y prendra pour éviter le pire, nous laissant, observateurs lointains, tout ŕ fait pantois. Il est vrai que, face aux déficits publics abyssaux, oů qu’ils soient, nous sommes tous américains.
Pierre Sparaco - AeroMorning