Perle, c’est un nom doux, tendre qui évoque la sensualité, mais aussi la délicatesse, la grâce.
Mais Perle, née sous X, ça sonne différent. Le contraste est trop cru, trop fort. C’est ce que ressent dès sa plus tendre enfance Perle, jeune fille abandonnée à la naissance et adoptée par un couple qu’elle n’a jamais réussi à aimer et à reconnaître comme ses parents.
Alors Perle fait tout pour choquer, pour provoquer, pour qu’on la rejette et lui renvoie à la figure ce X inscrit dans sa chair, ce X gravé comme au fer rouge qu’elle ne peut oublier une seconde. A l’adolescence, elle se jette à corps perdu, si l’on peut dire, dans les découvertes de son propre corps tout d’abord, puis dans celui des autres, en multipliant les aventures. Elle s’aide aussi des grands auteurs et des femmes qui l’ont précédée : « la religieuse Suzanne, la marquise de Merteuil, Lady Constance, Célestine ou la rebelle Esmeralda », mais lit également SAS pour s’enthousiasmer sur les prouesses de Malko. Cependant son attitude débauché scandalise ses parents adoptifs qui au bout d’un moment la jettent dehors en la traitant de « fille de pute ».
C’est alors qu’elle découvre les parties fines, les parties à plusieurs, bonnes vieilles partouzes des bobos parisiens (ou d’ailleurs) qui viennent assouvir dans le noir et en cachette leurs petits (et grands) fantasmes honteux. Perle est prête à tout, toutes les soumissions, toutes les positions, et ne ressent aucun avilissement à prendre ou se laisser prendre, à n’être qu’un trou béant, plusieurs trous, un corps qu’on remplit, qu’on lèche, on broie, qu’on pilonne, dont on fait ce qu’on veut. Au contraire, cette soumission au désir de l’homme la rend forte d’un pouvoir sur eux. Et puis elle aime la jouissance, le plaisir. Mais pour que le désir monte, il faut sans cesse le titiller et sans cesse faire mieux que la fois précédente, exciter l’imagination, et c’est là que le bat blesse. Après tout, c’est toujours un peu pareil, avec plus ou moins de violence en plus, plus ou moins de sadisme, de soumission, de scatologie… Perle sent qu’il lui faudrait autre chose pour la nourrir, pour la porter et qu’elle continue à avoir envie. Elle est la maîtresse plus ou moins attitrée d’un homme marié aussi vicieux et dépravé qu’elle et leur association (car on ne peut dans ce cas ne parler ni d’amour ni d’amitié) a ses limites. Au bout d’un temps, lassée finalement parce que cette vie lui semble trop facile, et parce qu’elle semble avoir connu déjà pas mal des plaisirs que pouvait lui procurer le sexe, Perle part de la ville et atterrit un peu par hasard dans la région de la Brière.
Elle y rencontre Alanik, un pêcheur du coin, plutôt taiseux, avec lequel elle va vivre une relation exceptionnelle, et à mon sens magnifique.
Alors bien sur, Perle est un bouquin érotique, et même carrément pornographique à certains passages, un vrai avec tout ce que vous imaginez et plus encore. Mais c’est aussi un merveilleux roman sur la beauté de la nature, majestueusement décrite dans ses plus infimes détails, c’est un roman sur l’amour, car qu’est-ce sinon de l’amour, cette relation étrange entre Alanik et Perle, et c’est un roman sur la quête de soi, de son identité, sur la mal être et la recherche du bonheur. C’est un roman totalement impudique où la perversité frôle le magnifique. Le langage y est parfois très cru et certaines scènes sont tout à fait ignobles, mais c’est pourtant et très paradoxalement un délice à lire. L’écriture de l’auteur est d’une poésie, d’une musique époustouflantes et le contraste entre la fange et la perversion de l’histoire avec la manière dont elle nous est contée est une pure merveille. Alors, si vous n’avez jamais lu de littérature érotique et si vous ne deviez ne lire qu’un seul livre de ce genre, lisez celui-ci ! Sans hésitation.
” Je crois avoir fermé les yeux, les narines palpitantes comme des ouïes de poisson en quête d’eau, sans doute avec un air de béatitude idiote. II n’a pu que me prendre en flagrant délit de shoot. Mon batelier avait des airs de Bernard Lavilliers avec son débardeur, il a repris la pigouille pour diriger la barque dans un recoin difficile d’accès près d’un îlot. On était planqués dans des roseaux gigantesques, il a manœuvré pour immobiliser le bateau et m’a tirée brusquement vers lui par la main, me fourrant le visage sous son bras gauche en le refermant contre son flanc pour me caler la tête dans son aisselle, le nez écrasé clans ses algues noires engluées du jus de son corps alors qu’il relevait ma jupe sur mes fesses et baissait ma culotte pour les exposer à la lumière de la Brière”.
Un roman lu par Blueverbena, que je remercie pour le prêt, et par Noukette.
Le blog de l'auteure.