La praline a 100 ans ! Bon anniversaire et bon appétit !
Cette « bouchée de chocolat fourrée » a été inventée par Jean Neuhaus en 1912, déposée le 4 septembre ; comme le fut le brevet du « ballotin », inventé cette fois par sa femme, Louise Agostini, en 1915. J’ai plusieurs fois dans des livres rendu hommage à ce chocolat belge, le meilleur du monde, et le prochain ouvrage sortira dans quelques semaines « Pralines et chocolat » aux Editions Luc Pire (avec une dédicace d’Amélie Nothomb !).
Mais avant tout, réparons cette erreur commise depuis si longtemps : le mot « praline » est bien un mot belge qui désigne cette bouchée au chocolat et non pas, comme beaucoup d’auteurs français l’ont écrit, inspiré par le duc de Plessis-Praslin qui, lui (ou d’ailleurs son cuisinier Lassagne), inventa la dragée, soit une amande enrobée de sucre caramélisé. Praline vient du verbe utilisé en horticulture « praliner », soit enrober les racines pour les protéger du froid, entre autres. C’est exactement la définition d’une praline : un fourrage enrobé de chocolat, ce qui multiplie le plaisir.
Ci-dessous, en avant-première des conférences et rencontres que je donne sur le sujet, je vous décris comment bien déguster une praline; histoire de vous donner l’eau à la bouche… ou éventuellement avoir envie de m’écouter le raconter (voir sur site www.jacquesmercier.be )
Car manger du chocolat c’est utiliser ses cinq sens, c’est exercer la sensualité de son corps.
Tout d’abord la Vue : Déjà le charme de la boutique, puis la beauté artistique du ballotin. Vous dénouez le cordonnet et ouvrez la boîte. Vous regardez la praline ! A son image se superposent déjà des moments anciens de bonheur : le chocolat de la récréation dans la cour de l’école, celui des fêtes de famille qui nous barbouillait la bouche de moustaches au moment du dessert ! La praline est lisse et satinée, son coloris est noir ou brun ou ivoire (surtout pas blanc, mais d’un ton écru) et l’on pense déjà aux dents qui vont se planter dans cette matière magique.
Ensuite, le Toucher : Précisément, vous prenez la praline entre les doigts. C’est comme un tissu : vous vous attendez à sentir une texture rêche, rugueuse ou légère et moelleuse.
Vient alors l’Ouïe : N’attendez pas trop longtemps ! Vous portez le chocolat à vos lèvres et vous le coupez en deux, d’un seul craquement qui titille votre ouïe. Le craquement de la praline est sec, net, incisif : signe que la praline ne contient pas trop de beurre de cacao, signe aussi qu’elle n’est pas trop vieille, sinon elle s’effriterait sous le coup de dent. Comme une décrépitation, ce cristal qui se fendille sous la chaleur, c’est un chant : la praline crisse, gémit, soupire bruyamment.
Bien sûr le Goût ! Les quatre saveurs primaires s’offrent à nous : le sucré et le salé, l’acide et l’amer. A cette température idéale le chocolat exhale au mieux ses arômes. La praline onctueuse fond alors naturellement dans la bouche. (« Heureux chocolat, qui après avoir couru le monde à travers le sourire des femmes, trouve la mort dans un baiser savoureux et fondant de leur bouche » écrivait joliment Anthelme Brillat-Savarin en 1826 dans son « Anthologie du goût », un recueil de réflexions sur les plaisirs de la table et qui fut considéré comme le code de la gastronomie.
Et enfin, l’Odorat se joint au goût : derrière, devant, entremêlé, on perçoit le parfum de vanille, de café, de fruits, de cannelle qui forme le coeur de la praline. Par voie rétro nasale, comme pour un bon vin, c’est la fragrance boisée, grillée, pralinée qui envahit… quoi donc ? Le palais ou le cerveau ? La mémoire ou l’estomac ? Le nez ou la langue ?
Mais, comme dit Jean Galler, on ne peut savoir si le chocolatier ou la chocolatière (vive la féminisation des noms de métiers !) est un artiste sans vider le ballotin tout entier pour en découvrir toutes les facettes, toute la diversité des succulences. Et vous choisissez une autre praline… et tout recommence : Le plaisir vous est redonné ! Attention aux excès !