Il n'a pas « découvert » la gravité de la crise au sortir de l'été, comme le Figaro le titrait si bien samedi 1er septembre. François Hollande, comme tout un chacun, connaissait bien assez tôt l'état déplorable du pays. Ce fut même l'un des axes de campagne.
Mais après un été où la fabrique de l'opinion a marché à plein régime, il y avait urgence. L'image d'un président trop patient, presque absent, pas assez actif sur le front de la crise, a largement été propagée et commentée ces dernières semaines.
Depuis quelques jours, Hollande dramatise donc. Et rappelle combien le pays est planté.
Il dramatise au risque de planter le rêve français qu'il voulait réenchanter. Il dramatise au risque de brusquer son premier ministre. Il dramatise puisque quelques dizaines d'éditocrates et de sondeurs concertés relaient qu'on manque d'omniprésidence.
Le cap des 3 millions de chômeurs a été franchi. Quand Michel Sapin annonçait la chose, dimanche dernier, il pensait aux sans-emplois. Mais l'on sait que le chômage frappe un nombre bien plus large de Français, aux environs des 6 millions si l'on additionne les travailleurs à temps partiel contraint, les chômeurs placés en formation, ou ceux qui ont cessé de s'inscrire. Trois ou six millions d'euros, peu importe.
Le message est passé.
C'est la crise, la Grande, la vraie.
Pour le dernier jour du mois d'août, François Hollande avait bien chargé la barque: « mon devoir, c'est de dire la vérité aux Français ». Et de compléter: « Nous sommes devant une crise d'une gravité exceptionnelle, une crise
longue, qui dure depuis maintenant plus de 4
ans et aucune des grandes puissances
économiques, même les émergentes, n'est désormais épargnée, la
croissance ralentit partout et les prix des matières premières, les
céréales, augmentent pour des raisons aussi bien
climatiques que spéculatives, mais aussi le pétrole avec ses
conséquences sur le prix des carburants, tout cela complique
encore la donne et la reprise. L'Europe est la
plus touchée, la récession s'y est installée, les plans d'austérité
s'additionnent, sans d'ailleurs que la confiance ne
revienne, et c'est pourquoi, les principales
décisions sont attendues maintenant dans la zone euro. Elles ont été
trop longtemps différées ou reportées, ou annoncées
comme devant enfin conclure un processus quand
il n'y avait finalement qu'une étape de franchie ».
La démarche avait deux objectifs. Le premier est de calmer les ardeurs sociales de certains. « Notre boussole, c’est la justice sociale et l’efficacité économique » a rappelé la ministre Najat Vallaud-Belkacem.
Le second est de presser la négociation sur le financement du système de protection sociale
s'engage sans tarder entre les partenaires sociaux. Privilégier la
concertation, c'est bien, mais si celle-ci ne vient pas...
Ces derniers jours, quelques ministres ont lâché des confidences sur les réformes à venir ou la loi de finances.
Une hausse de la CSG n'est pas exclue, mais on ne sait dans quelles modalités. Le sujet nous a déjà chauffé avant l'été. Autre réforme, la taxation exceptionnelle à 75% des revenus excédant le million d'euros semble se vider de sa substance. Pour l'instant, c'est une rumeur, une de plus. Si elle se confirme, on attend de savoir si la CSG sera rendue plus progressive ou pas. Rappelez vous les débats (à gauche) d'avant l'été. Autre rumeur, largement commentée, un nouveau gel du barème de l'impôt sur le revenu. Sarkozy nous avait fait discrètement le coup en janvier dernier, sans le dire ni l'avouer. C'était une belle hausse d'impôt sur le revenu, plus de 2 milliards d'euros ! « Tout le monde doit faire un effort et l'effort doit être juste. Cette mesure est sur la table mais rien n'est encore arbitré » a confirmé Matignon. L'argument est trop court: un gel des barèmes a ceci d'injuste qu'il rend imposable les ménages à la limite de l'imposition sur le revenu - des classes moyennes, donc - les disqualifiant, par la même occasion, de nombre d'aides sociales.
Une réforme du contrat de travail est à l'étude chez Michel Sapin. Sarkozy n'avait pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de son délire libéral - la suppression de toute référence à une durée nationale du temps de travail et la modulation des rémunérations en fonction du travail. La réforme envisagée par le nouveau ministre du Travail semble bien différente: «Aujourd'hui, le contrat de travail n'est plus un contrat stable, n'a
plus aucun sens, c'est complètement détourné: les CDD, les missions
d'intérim, les ruptures conventionnelles utilisées de manière
extrêmement libérale. Tout cela fait qu'il y a une insécurité dans
l'emploi.»
Du côté des bonnes nouvelles, Cécile Duflot peaufine sa loi sur le logement social. Le gouvernement veut 150.000 constructions l'an prochain (contre 120.000 ces dernières années). La loi SRU sera durcie, en portant de 20 à 25% la fraction de logements sociaux requis par commune. On espère que la (jeune) ministre n'oubliera pas les deux autres composantes essentielles de cette loi: monter les sanctions financières (puisque quelques belles communes UMPistes préfèrent payer l'amende plutôt que de respecter la loi; et durcir la qualification sociale des logements sociaux prévus dans la loi SRU.
Son collègue de l'Education nationale, Vincent Peillon a été accusé d'inspiration pétainiste par Luc Chatel, son prédécesseur. En cause, Peillon demandait un enseignement de la morale laïque à l'école. Chatel a manqué une occasion de se taire. Comment donc Chatel pouvait-il connaître tous les discours du Maréchal Pétain sur le bout des doigts pour tweeter sa pensée aussi rapidement ? C'était triste de la part d'un ancien ministre. Pourquoi sombrer dans l'outrance après la défaire ? Le déshonneur après l'échec...
François Hollande visite un collège de Trappes, dans les Yvelines. Il rencontre des professeurs qui, ce mardi 4 septembre, font leur rentrée scolaire. Nous n'avons pas retrouvé trace d'une quelconque visite de Nicolas Sarkozy dans un établissement de banlieue difficile. Mais cette visite de Hollande, pour la presse, était évidemment « normale », sans commentaire particulier.
A Paris, Pierre Moscovici se dépatouille d'une affaire médiocre que d'aucuns adorent monter en épingle. A droite, quelques adeptes de l'ancien chef de gang du Fouquet's donne des leçons de morale. c'était triste. On attend que l'Express fasse sa une sur le scandale Pigasse. En fait, Moscovici avait dû sauver une banque de prêt, un sale dossier laissé par son prédécesseur François Baroin: le Crédit Immobilier de France - 33 milliards d'euros de prêts aux ménages - avait été dégradé la semaine dernière par une agence. Il risquait la cessation de paiement ce lundi. L'Etat a apporté 20 milliards de garantie samedi dernier.
Lundi, « Mosco » avait encore d'autres urgences.
Il n'y avait pas de caméras pour scénariser la chose, figer l'évènement, afficher qu'il travaille même quand il ne parle pas à des journalistes.
Christophe Barbier, où es-tu ?