C'est dis-tu ce qu'on appelle le présentce qui toujours nous suit toujours nous précèdeon voudrait dire cette chose sans corpsmais qui fume des corpset ils flottent tournent comme des feuillesqui un instant s'enflammentbrûlent puis s'éteignent et d'autres leur succèdentdans l'immobile jaillir que nul ne voitpuisqu'il est dans nos yeux nos bouches nos gestesqui le font être ce mouvement d'eau vivelui donnent cette existence qu'il n'a pasalors d'un bouquet d'éclairs naît la lumièred'une grappe d'éclats la lenteur du jourles images où nous croyons toucher la viela forme rassurante de chaque choseton visage et mon visage qui s'approchentconfondent dans la même ombre leur profiltout ce qui dure le temps d'un bref regardon l'habite peut-être une main se poseon entend une phrase voilà la neigeferme la porte et déjà on ne sait plusquand ni où puisque cela n'a pas d'histoireil y a seulement la même stupeur derrière la vitreune blancheur sans motsles pas qui se perdent sous le réverbèresur le seuil la déchirure de l'espaceet la voix qui répète voilà la neigeet tout le paysage qui nous regardec'est tout cela qu'on voudrait direce rien où toujours tout ne cesse de commenceralors je dis je sais que c'est une imagetu me brûlesparce que c'est comme du feu entre nousmême si vraiment rien ne brûlesi c'est plutôt parfois comme la fraîcheuravec ton rire d'un éclat d'eaule clair de ton visage qui vientet c'est encore ce qui nous recommencenous fait remonter la pente du désastreencore la vie au milieu de la mortla pierre se délite le tronc pourritle corps se décompose et l'air reste seul en silencecomme pour veiller l'absenceet pourtant on marche au-devant du matincomme si on ne devait jamais mourirpuisqu'on est làles mouettes crient le froid fumesur les lèvres les doigts touchent le métal d'une cléla forme humide d'une rampecomme si oui c'était la première foistu me brûlesil y a dans le petit jourvenue d'une porte entrouverteune odeur de café fraisj'avance dans la lumière à ta rencontreje traverse une rueson fracas à cinq heures pour te rejoindrej'ai toutes les raisons de désespérermais tu es là tu sourisbonjour dis-tu
Jacques Ancet, La brûlure (Lettres Vives, 2002)
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