Episode 2 / De presse(d) conférence
Au terme d'une résidence de 2 semaines, un combo chorégraphique québéco-serbo-français proposera une performance-conférence conçue comme une « tentative de révolte textuelle et performative dans les arrière-cuisines de l'herméneutique et de la sémiotique du spectacle vivant. »
Pour ce troisième volet d'un partenariat fructueux, nous sommes heureux d'accueillir le second épisode du projet de longue haleine de deux chorégraphes, l'une soutenue par le Studio 303, l'autre accompagnée par Mains d'Œuvres.
Jana Jevtović est accueillie en résidence dans le cadre du projet de résidences croisées mené par le Studio 303 (Montréal) et Mains d'Œuvres.
Céline Larrère fait partie du collectif d'improvisation mouvement/son Les Moric(h)ettes, accueilli à Mains d'Œuvres en résidence d'accueil création à partir de septembre 2012.
Ce programme bénéficie du soutien du service de Coopération et d'Action culturelle du Consulat général de France à Québec.
Texte de présentation du projet :
"Faisant partie des susdits “jeunes artistes chorégraphiques émergents”, nous avons quotidiennement affaire à ces mots à la fois étranges et familiers, à ce langage vernaculaire plus ou moins codé, qui dénotent notre appartenance à un certain réseau, groupe professionnel, sous-culture. Nous utilisons ces mots et expressions à tour de bras, mais pourtant quelque chose en eux nous laisse profondément insatisfaites. En effet, ils restent bien souvent abscons en dépit de leurs prétentions sémantiques, et sont tellement usités qu'ils finissent bien souvent par produire un discours formaliste prêt-à-consommer et quelque peu défraîchi.
Le développement récent du spectacle vivant a été au coeur d' une explosion sans précédent du discours, sur, dans, pour, par, autour, à côté de, avec…. la pratique chorégraphique. Le langage parlé et écrit est désormais partie prenante de la construction de tout langage chorégraphique contemporain, au point qu'il est devenu une nécessité inscrite non seulement dans les processus de recherche et de création, mais aussi dans les institutions, les politiques culturelles et les modes de production. Un exemple emblématique en est que de nos jours, la première étape d'une création consiste bien souvent à rédiger un dossier -écrit- de présentation de ce projet.
En effet, l'ensemble de nos activités de chorégraphes et d'interprètes est englobé dans une langue très spécialisée et largement partagée. Le spectacle vivant nage dans le discours, à tel point qu'on a parfois l'impression que c'est le language lui-même qui garantit la valeur d'un travail, comme si un spectacle ne pouvait exister sans certains mécanismes de décodification - descriptions ou instructions dites ou écrites. Il s'agit d'un langage qui n'est pas totalement compris par ceux qui ne sont pas impliqués dans ce domaine, c'est un vocabulaire auquel nous sommes attachés, et qui à la fois forme et informe nos méthodologies et outils de recherche et de création. Plus nous manions ce vocable, plus nous réalisons que ces mots charrient des significations, des conventions et des systèmes de représentations beaucoup plus problématiques qu'il n'y paraît, et que leur sens est rarement interrogé comme tel.
C'est prenant acte de ce constat et au fil de nos rencontres à l'occasion de divers événements, festivals, workshops ( Nomad Dance Academy 2010, festival Antistatic 2012, Sofia, BG ; Pleskavica 2011, Ljubljana, SLO ; danceWeb 2011, ImpulsTanz, Vienna, AU ) que ma collègue Jana Jevtovic et moi-même avons fomenté ce projet d'une descente au coeur des herméneutiques de l'obscur et des cuisines de la sémiotique de la performance, qui viserait à identifier, analyser et expérimenter les discours et le langage qui baignent le monde du spectacle vivant.
Comme des cordonniers qui produiraient plus de discours sur les chaussures que de chaussures, nous voulons prendre un moment pour examiner ce discours et ses effets sur nos méthodes de fabrication de chaussures. Sans pour autant proposer une démarche thérapeutique, ni entrer dans les terres venteuses du pathos, en restant définitivement éloignées des sofas freudiens, mais en gardant à l'esprit leurs lectures homéopathiques de Lacan ; sans amertume, mais avec une immense curiosité d'enfants professionnelles, deux chorégraphes/performers/chercheuses/personnes vont tenter d'élucider certains mystères qui nimbent le langage dont elles ont hérité, usité activement, et qu'elles veulent dadanalyser – c'est à dire décortiquer, bricoler et réenchanter."
Céline Larrère & Jana Jevtović