Il faisait beau ce jour d’été… J’avais rendez-vous du côté du Faubourg Poissonnière avec Fanny, une passionnée de costumes anciens. Parvenu à sa boutique, spacieuse et très agréable, elle m’accueillit amicalement en me proposant un thé ou un jus de fruits.
Arrivé là comme une mouche sur le potage, je m’assis sagement pendant que la maîtresse des lieux créait, à même le corps d’une charmante demoiselle, une robe à falbalas destinée à un mariage… Voulant faire convenable et un peu « vieux style », comme toujours, je proposais de faire un tour dans le quartier pour ne pas gêner… Mais un paravent assurant la bonne tenue et la moralité de l’essayage, ce ne fut pas nécessaire…
Bien calé dans mon fauteuil crapaud, je sirotais une eau minérale quand Fanny revint vers moi pour l’interview. Vêtue d’un chemisier blanc, d’un jean et chaussée de ballerines, mon interlocutrice n’avait rien d’une image du temps passé. On peut très bien s’intéresser sérieusement à la mode de nos ancêtres sans pour autant rompre avec celle de notre temps.
Ex-laborantine, puis informaticienne, Fanny Wilk, très créative et manuelle, faisait des costumes pour elle qu’elle portait pour de bonnes occasions. Aimant la mode avant toute chose, elle voulait changer de vie et partager avec les autres les connaissances accumulées au fil de ses lectures et de son travail de couture.
Elle a donc ouvert depuis peu cette boutique qui est aussi son atelier et où tout-un-chacun peut trouver des accessoires, de la mercerie, des tissus, et aussi, bien sûr, des costumes, anciens ou reconstitués. Fanny voyage beaucoup pour trouver les matières et accessoires les plus rares que l’on trouve chez elle moins chers qu’au marché Saint Pierre ! Et elle n’est pas avare de conseils pour en trouver.
Régulièrement, Fanny organise des stages où les couturières-costumières (mais cela peut aussi se conjuguer au masculin !) découvrent l’histoire du costume ou une technique particulière. Elle donne aussi des conférences sur les grands traits de l’histoire du costume, comment se coiffer ou fabriquer un vêtement avec des matériaux de récupération…
Elle a créé il y a quatre ans avec quelques amis une association, Le ministère des modes qui organise des sorties sur tous les thèmes : bain 1900 à Trouville, sorties XVIIIe au château ou des animations sur des thèmes particuliers liés au jeux ou à la cuisine. Cet été, elle a animé une salle de jeu du XVIIIe siècle restée intacte, dans un château du Loiret, en reconstituant, en costumes bien sûr, des jeux de carte et jeux d’argent… Dans cette association fréquentée par très peu d’hommes, on parle beaucoup chiffons!
Quelques menus propos de Fanny :
« La disparition de matières d’époque qui ne sont plus fabriquées, de tissages qui n’existent plus, est un gros problème, comme la faille, taffetas épais de soie, qu’on utilisait presque toujours pour faire une robe au XIXe ».
« Plus d’usine de passementerie en Europe, il faut maintenant aller en Inde. Plus de fabrication de dentelles. On trouve parfois des équivalents chinois… Mais pas comparable. »
« Pour faire une robe nous ne pouvons pas prendre n’importe quel tissu. Heureusement qu’il nous reste des tissus d’ameublement, et il faut chiner pour trouver des stock de dentelles… Le jour où il n’y en aura plus nous serons très embêtés. »
« Ce n’est pas parce qu’on est costumier qu’on peut faire du costume historique… Des techniques de coupe, qui ne sont pas visibles à l’œil nu, sont nécessaires à connaître… Il faut étudier… »
« Je reçois parfois des femmes qui ont dépensé 1000 euros pour leurs robes qui ne vont pas du tout : patrons américains, fermeture éclair dans le dos, taffetas avec des grosses fleurs car elle ont vu qu’il y avait des fleurs à l’époque de Marie Antoinette… »
« Certains habillages peuvent durer deux ou trois heures, robes fixées par des épingles en argent très délicates à placer. Un ordre dans les jupons… On en oublie un il faut tout recommencer pour un bon « tombé ».
Fanny participe aussi aux jeux de rôle en grandeur nature, historiques, fantastiques… Des gens avec qui elle est assez proche. Beaucoup de fans de ces jeux viennent dans sa boutique, ils doivent souvent changer de costumes… Elle doit vêtir des… morts vivants prochainement. Une occasion de voyager dans sa tête…
Les clients deviennent des amis de Fanny, souvent, quand ils partagent le même goût et une passion identique pour les costumes bien fabriqués et joliment portés. Le rêve secret de toutes les petites filles peut ainsi se réaliser grâce à cette boutique : devenir une belle princesse digne de fréquenter le château de Versailles ou les palais Vénitiens ! Et cela à n’importe quel âge car le charme féminin est intemporel, comme la beauté de ces parures soyeuses, brodées, finement cousues par des mains passionnées et compétentes !
Je suis reparti de cette boutique merveilleuse, ébloui par tant de beauté et de charme, et à regret, mais sûr d’y retourner un jour, pour discuter, flairer, caresser à nouveau les tissus et, enfin, retrouver une part subtile et parfumée des temps anciens qui me hantent.
Mademoiselle Fanny, soyez sûre que je resterai,
Toujours,
Votre plus fidèle et fervent serviteur !