The Newsroom, c’est avant tout une série de dix épisodes pour une première saison enthousiasmante. Le pitch ? Will McAvoy, rédacteur en chef du JT de la chaîne ACN (Atlantic Cable News), est contraint de changer le fond et la forme de son journal après l’arrivée soudaine d’une nouvelle productrice qu’il connaît bien, Mackenzie MacHale.
D’un journalisme mollasson auquel il tenait – audiences obligent, Will McAvoy va tout bousculer pour incarner un journalisme féroce et de qualité. Ses intervenants ? Il seront parfois poussés dans leurs derniers retranchements, ne sachant plus quoi dire. Le changement de ton est trouvé et donné lors d’une conférence. Will McAvoy, aux côtés d’un républicain et d’une démocrate, répond nonchalamment aux questions d’un animateur : il préfère répondre dans le flou que dans le vrai. A la question de savoir pourquoi les États-Unis sont la plus grande puissance mondiale, le présentateur télé a un déclic :
Plongeon dans le journalisme
En seulement dix épisodes, la série guidée par Aaron Sorkin, scénariste de la série A la maison blanche et des films The Social Network (David Fincher) et La guerre selon Charlie Wilson (Mike Nichols), aborde frontalement le back office du journalisme en se concentrant à la fois sur la figure dramaturgique du présentateur, Will McAvoy, et sur ses petites mains : de la productrice Mackenzie MacHale à la nouvelle stagiaire qui vient de débarquer en passant par l’équipe de journalistes. On y retrouve l’ancien producteur Don Keefer aux manettes d’une nouvelle émission, le co-producteur Jim Harper, Maggie la débutante et Charlie Skinner le grand manitou dans sa tour d’ivoire.
Le terme « frontalement » prend dans cette série tout son sens : on plonge dans le monde de la production de l’information – jusque là peu traitée dans ce genre de format – en arpentant les enjeux de l’audience, des sources et de la façon dont on gère un JT de qualité. S’il y a une chose qui fait la force et la faiblesse de The Newsroom, ce sont les interminables diatribes des différents personnages, obligés de monter le ton pour se faire entendre. Tout s’enchaîne. A toute allure, on perçoit en filigrane l’hyper-activité du Mark Zuckerberg dépeint dans The Social Network par Aaron Sorkin : il parle vite, agit vite et fait parfois des erreurs. En phase, parfois, avec un journalisme d’aujourd’hui qui peine à trouver un modèle.
Le renouveau du journalisme
Car le thème de la série comporte un problème de taille : il ne s’agit pas de dix épisodes qui suivent un valeureux reporter plein d’entrain et amené à révéler un énième Watergate (comme il est d’usage de voir dans les films comme Les hommes du président ou Jeux de pouvoir) et auquel on pourrait s’identifier. En réalité, l’action de The Newsroom se déroule dans une rédaction ordinaire, un lieu fermé, animée par la seule volonté de Will McAvoy de proposer une émission télévisée qui veut avoir voix au chapitre de l’avenir des Etats-Unis.
L’enjeu pour le présentateur : construire le meilleur JT qui soit en posant les vraies questions. En somme, et surtout pour la deuxième partie, un mélange entre journalisme à l’américaine, très factuel, et journalisme à l’européenne, politiquement orienté. L’idée derrière tout cela est de redonner des couleur à une émission qui avait préféré l’audience à la qualité, l’argent à l’éthique. Ce manichéisme est assumé : The Newsroom se veut comme une série accessible, un journalisme pour les nuls. Mais lorsque les sujets d’ANC se précisent, voilà que cela se complique.
New York et journalisme : anti-Républicain, évidemment
Autant le journalisme, comme illustration d’un travail et de valeurs, est bien retranscrit dans le rythme effréné d’une rédaction; autant le scénario peut laisser à désirer et son message être un sacré mur d’idées. Si l’on revient aux ambitions du JT commandé par Will McAvoy et Mackenzie MacHale, elles ont deux mots : information et indépendance. Le souci, c’est que Will McAvoy va devenir un Julian Asssage télévisuel, une sorte d’animateur à l’égo monstrueux capable d’humilier ses intervenants – ses proies – pour mieux défendre ce qu’il pense. Et sa cible, c’est le parti Républicain. Pour faire passer la pilule, le présentateur est introduit comme un républicain en divorce avec les pratiques de son parti, en corrélation avec son histoire d’amour avec Mackenzie MacHale, dont il est sorti cocufié. Résultat, plutôt simpliste, il les incendie sur ACN pour mieux montrer leurs erreurs, l’émergence du Tea Party en tête.
Mais au cours des dix épisodes, Aaron Sorkin ne lève jamais la voix contre les démocrates, tant il préfère suivre la bataille de Will contre le Parti républicain. Jamais, alors que le Parti démocrate est au pouvoir et que The Newsroom suit avec soin et chronologiquement la politique américaine à partir de 2010, une seule critique n’est formulée à l’égard de la politique que mène Barack Obama. Comme s’il préférait, finalement, s’en prendre à la mutation du Parti républicain (dangereuse mutation, évidemment) qu’à la politique menée par Barack Obama. On est alors face à un dilemme lorsque le dixième épisode de The Newsroom prend fin : illustrer la vie d’une rédaction n’est pas chose aisée, et le trio Aaron Sorkin, Jeff Daniels et Emily Mortimer se défend très bien. Mais en illustrant un journalisme au service d’idées plutôt qu’au service de l’information, cela donne une série biaisée. Et sa diffusion, à quelques mois de l’élection présidentielle américaine, n’en est que plus symbolique et dérangeante.
La mise en scène est carrée, le plongeon dans le monde du journalisme est assuré, mais on sort de l’eau avec un goût amer dans la bouche. Comme si The Newsroom avait un sous-texte politique pas vraiment assumé, fait de petites piques à l’égard du Parti démocrate et de missiles envoyés vers le Parti républicain. Ah oui, j’oubliais : ça se passe à New York, pas au Texas.