On le voit changer. Quand quelqu’un lui parle de politique, il saute sur le sujet de la météo ou du baseball. Il s’est remis à parler à ses voisins dissidents qu’il refusait de saluer et il leur fait même des clins d’œil complices. Désormais les réunions de l’association des combattants lui semblent tellement ennuyeuses, les journaux si vides, les slogans si faux….qu’il n’allume même plus la télévision lors des discours officiels. Que lui est-il arrivé ? Un mélange de frustration, de gêne devant la pension très faible, la corruption dominante et le report infini des rêves. Mais dans son cas les enfants ont été le principal catalyseur de l’opposition, le démenti le plus catégorique qu’ait pu recevoir son idéologie. L’aînée vit en Europe et le plus jeune a traversé en radeau le détroit de Floride. Aucun n’a voulu rester à attendre les fruits du système pour lequel « Papa s’est tant battu ». Après le départ de ses enfants, il a découvert en soi un homme plus modéré, capable d’accepter que les enfants des autres partent également sans pour autant leur lancer des œufs ou des insultes. Il ne permet pas que quiconque appelle « traîtres » ses descendants, et il a appris que l’Anglais que parle sa petite fille née dans l’Arkansas n’est en rien la langue du diable. De plus les vitamines qu’on lui envoie sont tellement bonnes, le gel si efficace contre les douleurs du dos, les dollars transmis par la Western Union tellement opportuns … Bref qu’il est un homme différent. En octobre prochain il s’envolera pour les Etats Unis rendre visite aux siens et il prévoit de ne pas revenir. Il partira sans faire de bruit, sans dire au revoir, sans même démissionner du parti unique dans lequel il a milité. Il partira sans se rétracter publiquement de quoique ce soit, sans demander d’excuses à aucun de ces opposants qu’il a insultés, dénigrés, et sur lesquels il a craché pendant des décennies. Il partira. Traduit par Jean-Claude MAROUBY
On le voit changer. Quand quelqu’un lui parle de politique, il saute sur le sujet de la météo ou du baseball. Il s’est remis à parler à ses voisins dissidents qu’il refusait de saluer et il leur fait même des clins d’œil complices. Désormais les réunions de l’association des combattants lui semblent tellement ennuyeuses, les journaux si vides, les slogans si faux….qu’il n’allume même plus la télévision lors des discours officiels. Que lui est-il arrivé ? Un mélange de frustration, de gêne devant la pension très faible, la corruption dominante et le report infini des rêves. Mais dans son cas les enfants ont été le principal catalyseur de l’opposition, le démenti le plus catégorique qu’ait pu recevoir son idéologie. L’aînée vit en Europe et le plus jeune a traversé en radeau le détroit de Floride. Aucun n’a voulu rester à attendre les fruits du système pour lequel « Papa s’est tant battu ». Après le départ de ses enfants, il a découvert en soi un homme plus modéré, capable d’accepter que les enfants des autres partent également sans pour autant leur lancer des œufs ou des insultes. Il ne permet pas que quiconque appelle « traîtres » ses descendants, et il a appris que l’Anglais que parle sa petite fille née dans l’Arkansas n’est en rien la langue du diable. De plus les vitamines qu’on lui envoie sont tellement bonnes, le gel si efficace contre les douleurs du dos, les dollars transmis par la Western Union tellement opportuns … Bref qu’il est un homme différent. En octobre prochain il s’envolera pour les Etats Unis rendre visite aux siens et il prévoit de ne pas revenir. Il partira sans faire de bruit, sans dire au revoir, sans même démissionner du parti unique dans lequel il a milité. Il partira sans se rétracter publiquement de quoique ce soit, sans demander d’excuses à aucun de ces opposants qu’il a insultés, dénigrés, et sur lesquels il a craché pendant des décennies. Il partira. Traduit par Jean-Claude MAROUBY