Que la banque Lazard ait été retenue par le ministre de l'Economie pour le conseiller sur la mise en place de la Banque Publique d'Investissement, et voici que le soupçon de conflit d'intérêt surgit.
Certains n'hésitent pas à convoquer l'histoire et le scandale Woerth pour tenter de nous convaincre que finalement la gauche au pouvoir ne fait pas mieux que la droite.
Il faut donc, encore et toujours, clarifier le présent et rappeler le passé.
En matière de conflit d'intérêt, les nouveaux Zorros/Zozos de l'ex-Sarkofrance ne manquent pas de références en moins de 5 années de mandat: la fondation Bruni, les bois précieux du ministre Joyandet, l'EPAD-story, le pantouflage de François Pérol.
Mais l'affaire Woerth fut un summum, un modèle, un truc incroyable qui aurait valu une mise à mort médiatique et politique dans n'importe quelle démocratie digne de ce nom: l'affaire Woerth était cette histoire d'un ministre du budget, toujours trésorier du parti présidentiel, qui avait
fait embaucher sa femme chez la plus grosse fortune de France par
ailleurs fraudeuse fiscale...
Bref, en Sarkofrance, nous pouvions parler de malaise moral.
Pour l'ancienne équipe défaite et ses supporteurs, l'enjeu désormais est de montrer que leurs successeurs font de même, que la connivence avec les puissances de l'argent est aussi forte chez Hollande que chez Sarkozy, qu'ils sont tous pareils et donc que l'ancien monarque ne méritait pas l'opprobre qu'il subit, comme pour mieux relativiser le passé.
A cet égard, Matthieu Pigasse, comme Pierre Bergé, sont des proies de choix, régulièrement exhibées par les Sarko-fans avec une rage redoublée par le fait que ces derniers ont le sentiment d'une trahison de classe.
Le concept de conflit d'intérêt, hier comme aujourd'hui, semble presque insoluble. Prenez la banque Lazard. C'est un établissement privé, mais l'engagement du numéro deux de sa branche française, Matthieu Pigasse, était un engagement personnel.
Peu importent ses motivations, Pigasse a soutenu François Hollande. C'est si rare parmi les grands patrons que l'homme fut rapidement la cible des discours de Nicolas Sarkozy pendant la dernière campagne.
Qu'il ait soutenu Hollande n'engageait pas sa banque, le constat paraît assez évident pour qui veut bien réfléchir deux secondes: les patrons nous sont systématiquement présentés comme hostiles à Hollande à cause de sa politique fiscale ou économique. Il suffit de relire les comptes-rendus de la récente université du MEDEF pour s'en convaincre.
On pourrait même assez raisonnablement conclure que Matthieu Pigasse, en soutenant François Hollande, a agi contre son intérêt de classe (si nous sommes marxistes), d'entreprise (à moins que nous découvrions alors que la banque Lazard récupère une multitude de contrats publics à rendre jaloux ses concurrents d'affaires), et personnel (puisqu'il paiera davantage d'impôts sous Hollande que sous Sarkozy).
Donc si Matthieu Pigasse, en soutenant Hollande, a agi contre son intérêt de classe, d'entreprise, et personnel, ... la question se pose: mais où donc se loge le conflit d'intérêt ?
Les partisans de la thèse du conflit d'intérêt ont donc avancé un argument massif: la banque Lazard a obtenu un fabuleux contrat d'assistance de quelques dizaines de milliers d'euros pour avoir en échange fait embaucher Audrey Pulvar à la direction éditoriale des Inrocks... A moins que cela ne soit l'inverse...
Quelle affaire ! On prendra soin d'oublier, au passage, que Matthieu Pigasse ne possède pas la banque Lazard, il n'en est que directeur général délégué de la branche française d'une banque d'affaires présente dans 24 pays.
Finalement, il est évident qu'il faut relever ce genre d'affaire, plus maladroite
qu'autre chose, mais il nul besoin d'en faire des louches comme si
c'était le scandale du siècle. Surtout quand l'intéressé joue plutôt contre ses intérêts qu'autre chose.
Billet écrit sous l'emprise de conflits d'intérêts.