FRIEDMAN, Thomas L, Hot, Flat, and Crowded: Why The World Needs A Green Revolution - and How We Can Renew Our Global Future, Penguin, 2009.
On y retrouve tout. La croissance exponentielle, cette fois-ci illustrée par des exemples concrets (et effrayants : la théorie c’est fini, les prévisions sont devenues réalité), la dimension systémique du problème et le fait que tout est lié à tout, le stress concomitant de toutes nos ressources, la multitude de dangers qui planent sur nos têtes, le choc inévitable dont il faut réduire au mieux l’impact. Et surtout le fait que nous sommes incapables de prévoir la nature de ce choc. Avec un désaccord toutefois : l’auteur, Tom Friedman, veut maintenir la croissance, et se demande comment y parvenir. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’en dépit de toute sa bonne volonté, il n’arrive pas à dépasser l’incantation.L’affaire s’engage extrêmement mal. En effet, l’Amérique (et probablement le reste de l’Occident) sort d’années folles, elle a tout sacrifié à la consommation, à commencer par l’investissement, en particulier en termes d’éducation. En conséquence, le pays n’est plus compétitif. Donc, non seulement les USA n’ont pas entendu Limites à la croissance, mais ils ont fait marche arrière. Et cela avec la bénédiction des politiques : Un journaliste au porte-parole de George Bush : « Est-ce que le président pense que, vu le niveau de consommation d’énergie de l’Américain – très supérieur à celui des autres nations – est-ce que le président pense que nous devons modifier notre mode de vie ? » Réponse : « Absolument pas. Le président pense que c’est le mode de vie américain, et que la mission du gouvernement est de protéger le mode de vie américain. Le mode de vie américain est sacré. »
Pour Tom Friedman, tout est lié à l’énergie, c’est le pivot de notre modèle économique, c’est ce qui permet de tout résoudre. En particulier les pauvres sont ceux qui n’ont pas accès à l’énergie. D’ailleurs c’est aussi l’énergie qui crée la pauvreté : nous sacrifions tout à la production d’énergie, ce qui enchérit les biens de première nécessité. Et c’est, de surcroît, l’argent de l’énergie qui permet aux dictatures de narguer les démocraties. Nous avons donc besoin d’énergie propre. Opportunité colossale. Mais pour cela il faudrait, outre une réduction radicale de la consommation (habitat reconçu, moteurs électriques, etc.), une gigantesque vague d’innovation, qui ne peut venir que du marché. Or, ce marché ne peut pas supporter l’incertitude. Le gouvernement doit intervenir pour augmenter le prix de l’énergie, si possible par des taxes, et donner à ceux qui vont financer l’innovation le cadre rassurant dont ils ont besoin. Il faut aussi que le gouvernement relance la recherche fondamentale, que le marché ne peut pas générer. L’Amérique a besoin de leadership. Et elle n’en a pas.
Et si le monde était transformé par la Chine ? L'environnement chinois est dévasté par sa course en avant économique. Pour rendre sa croissance soutenable, sans freiner, la Chine veut créer une industrie verte qui dominerait le monde. En tout cas, si nous désirons survivre, il faudra commencer par s’interroger sur le sens que nous voulons donner à notre vie, et profiter au mieux de l’ensemble des talents du monde. 9 milliards d’humains ne seront pas de trop pour nous sortir de l’impasse, sans trop de casse.
Je note, pour finir, une idée curieuse. Tom Friedman pense qu’il faut constituer des « Arches de Noé » autour des ressources naturelles menacées. (Il dit, en particulier, que 90% des extrêmement pauvres vivent de la forêt.) Aujourd’hui elles ne sont pas défendues par ceux à qui elles appartiennent faute d’éducation. Si bien qu’ils sont amenés à les détruire, pour une bouchée de pain. En les aidant à mieux comprendre la richesse qu’ils possèdent, et à en tirer parti, on défendrait à la fois nos ressources universelles, et on éliminerait la pauvreté.