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Triangle européen et "Europe de la défense"

Publié le 02 septembre 2012 par Egea

A l'heure de la commission sur le LB, les termes de la lettre de mission rappellent l'objectif d'une Europe de la défense. Personnellement, je n'aime pas beaucoup cette expression : intraduisible en anglais, incomprise à l'extérieur, elle constitue un mantra français qui constitue un de ces compromis, résultat du consensus et non fabricateur de consensus. Ce n'est pas la défense de l'Europe (parce que pour beaucoup d'Européens, il y a l'Alliance atlantique pour ça), et ça sonne mieux que de la coopération de défense, un peu trop intergouvernemental et pas assez "ambitieux"... Accessoirement, cela a permis de convenir aussi bien à la droite qu'à la gauche (consensus, vous disais-je) ce qui fait qu'on peut la critiquer sans être partisan.

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Donc, comme en France on se paye de mots, on a inventé une expression et tout le monde est content. Mais comme l'expression est un entre-deux, elle a perdu de son utilité originelle.

En fait, la défense est le résultat d'une souveraineté, l'expression d'un monopole de violence légitime. Parler de l'Europe de la défense pose la question de la responsabilité de cette défense.

1/ Soit c'est le niveau supérieur (UE) : mais les traités n'accordent pas à celle-ci de responsabilité directe, et le traité de Lisbonne a surtout insisté sur l’aspect diplomatique (SEAE) plus que sur l'outil militaire, même si on a renommé le tout "PSDC".

2/ Accessoirement, l'UE ne se vit pas comme "puissance" et n'a donc pas de stratégie (sans vouloir offenser J. Solana, le rédacteur de la mièvre "stratégie européenne", mièvre car déjà à l'époque résultat d'un consensus, celui du moins disant stratégique : elle a dix ans !).

3/ Il faut donc revenir aux Etats-membres. Or, si la France et le Royaume-Uni partagent la même vision de la puissance, et donc des moyens de l'exercer (et donc de l'utilisation d'abord d'un hard power), ils ne sont pas d'accord sur l’instrument pour communautariser leurs efforts en la matière : OTAN pour le RU, UE pour la France.

4/ Quant aux partisans de "l'Europe de la défense", la France et l'Allemagne, ils ne ne sont pas d'accord sur ce qu'est la puissance, l'Allemagne voyant surtout l'aspect économique, la France l'aspect militaire. Dès lors, les Allemands signeront tout ce que voudront les Français en matière de PSDC (état-major stratégique, headline goal d'Helsinki, ...), ils mettront peu de choses en œuvre : s'ils vont en Afghanistan c'est avec beaucoup de caveats, et ils s'abstiennent pour le vote de la 1973 et refusent de s'engager en Libye.

4 bis/ Au fond, pour les Allemands (et pour beaucoup d'Européens, voire la majorité), l'outil militaire n'est plus un truc utile pour réponde aux défis du moment. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils appuient les développements dans "l'Europe de la défense" : cela a peu de coût pour eux, une sorte de gendarmerie qu'on envoie pour des opérations humanitaires. ce n'est pas un hasard non plus s'ils refusent de partager notre dissuasion nucléaire : trop hard pour eux.

5/ Mais avez vous remarqué, au passage, qu'ils sont au coude à coude avec nous en exportations d’armement, quand ils étaient un acteur plus mineur il y a quinze ans ? Qui a dit qu'une attitude volontaire dans les opérations suffit à appuyer le segment économique ?

6/ Bref, tant qu'on n'aura pas dépassé cette impasse à l'intérieure du triangle européen, on pourra toujours chanter l'Europe de la défense à tue-tête, ça ne fera pas avancer le schmilblick. Et je crains que la commission LB ne soit vraiment en mesure de trancher l'impasse.

O. Kempf


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