Il est de bon ton de vouloir faire « payer les riches » pour régler nos problèmes. Gardons seulement en tête qu’on ne juge pas une politique sur ses intentions, mais sur ses résultats et que souvent, l’enfer économique est pavé de bonnes intentions politiques.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
(Rappel : le Parti québécois propose de faire passer de 24 % à 31 % le taux d’imposition sur les revenus dépassant les 250 000 $.)
« Quand un joueur a des offres d’emploi de plusieurs équipes, il pense à l’impôt, ça compte pour beaucoup », expliquait un ex-joueur du Canadien dans l’article.
Bolt, Nadal et l’impôt
Les sportifs sont vite sur leurs pieds. Mais ce qu’on sait moins, c’est que leur portefeuille aussi.
L’homme le plus rapide sur terre, le champion olympique Usain Bolt, a refusé l’été dernier de participer à une course en Grande-Bretagne. Pourquoi ? Le fisc britannique est trop gourmand au goût du Jamaïcain, rapportait il y a quelques semaines la BBC. Les athlètes de renom qui pratiquent en Grande-Bretagne doivent donner près de la moitié de leur cachet à l’impôt, ainsi qu’un pourcentage de leurs revenus de commandite. Pour Bolt, cela représente des millions. Il est donc allé courir à Paris, où le fisc est moins vorace.
Bolt n’est pas seul. Toujours selon BBC, le golfeur Sergio Garcia affirme qu’il limite ses présences en Grande-Bretagne à cause des lois fiscales. Le tennisman Rafael Nadal s’est récemment retiré d’un tournoi en Angleterre à cause des exigences du fisc anglais. Il est plutôt allé démolir ses adversaires en Allemagne. « Ils en prennent sur les revenus de commanditaires, sur Nike, sur Babolat et sur mes montres. [...] C’est de plus en plus difficile de jouer en Grande-Bretagne », a dit Nadal aux médias.
L’enfer et les bonnes intentions
Je sais. Les riches sportifs ne sont pas à plaindre. Et ce n’est pas mon propos. Mais il est bon de se rappeler la nature humaine. L’homme — qu’il soit un riche athlète ou non — réagit aux incitatifs. Notamment, il change son comportement quand on monte ou baisse ses impôts. Même les multimillionnaires. Non, ce n’est pas seulement une théorie inventée par des « néolibéraux » à la solde du grand capital…
L’autre leçon : il est hasardeux de croire que l’État va s’enrichir simplement parce qu’on serre la vis aux riches. Ce type de calcul tient rarement compte des changements de comportement des individus. Or ces derniers ne vont pas rester là à se faire plumer comme des canards.
Un exemple : en 2010, le premier ministre sortant Gordon Brown, en Grande-Bretagne, décidait de hausser le seuil maximal d’impôt des gens gagnant 150 000 £ et plus. Le Trésor britannique s’attendait à garnir ses coffres de 7,8 milliards £ grâce à cette politique. Ça, c’était dans l’éventualité où personne ne modifiait son comportement. Mais si on tenait compte (comme l’a aussi fait le Trésor) des riches qui quitteraient le pays ou trouveraient des façons créatives de ne pas payer cet impôt, les revenus prévus dégringolaient à… 2,4 milliards £. l’Institute for Fiscal Studies, de Londres, craignait même que le nouveau taux d’imposition fasse perdre de l’argent au gouvernement britannique.
C’est le concept économique à la fois le plus important et le plus souvent ignoré par nos politiciens : les gens réagissent aux incitatifs. C’est vrai autant pour les riches, les athlètes, que pour les entreprises.
Il est de bon ton de vouloir faire « payer les riches » pour régler nos problèmes. Et c’est vrai que dans certains cas, ceux-ci pourraient contribuer plus. Gardons seulement en tête qu’on ne juge pas une politique sur ses intentions, mais sur ses résultats. Et que souvent, l’enfer économique est pavé de bonnes intentions politiques.
---
Sur le web