Lorsqu’elle entra complètement nue
Ils avaient bu et commencèrent à lui cracher dessus
Elle ne comprenait rien, elle sortait à peine du fleuve
C’était une sirène qui s’était égarée
Les insultes couraient sur sa chair lisse
L’immondice couvrait ses seins d’or
Elle ne savait pas pleurer c’est pourquoi elle ne pleurait pas
Elle ne savait pas s’habiller c’est pourquoi elle ne s’habillait pas
Ils la tatouèrent avec des cigarettes et des bouchons brûlés
Et ils riaient jusqu’à tomber sur le sol de la taverne
Elle ne parlait pas car elle ne savait pas parler
Ses yeux étaient couleur d’amour lointain
Ses bras bâtis de topazes jumeaux
Ses lèvres se coupèrent dans la lumière du corail
Et tout à coup elle sortit par cette porte
À peine entra t-elle dans le fleuve qu’elle fut propre
Elle resplendit comme une pierre blanche dans la pluie
Et sans se retourner elle nagea à nouveau
Elle nagea vers jamais plus vers la mort.
*
Todos estos señores estaban dentro
cuando ella entró completamente desnuda
ellos habían bebido y comenzaron a escupirla
ella no entendía nada recién salía del rio
era una sirena que se había extraviado
los insultos corrían sobre su carne lisa
la inmundicia cubrió sus pechos de oro
ella no sabía llorar por eso no lloraba
no sabía vestirse por eso no se vestía
la tatuaron con cigarrillos y con corchos quemados
y reían hasta caer al suelo de la taberna
ella no hablaba porque no sabía hablar
sus ojos eran color de amor distante
sus brazos construídos de topacios gemelos
sus labios se cortaron en la luz del coral
y de pronto salió por esa puerta
apenas entro al rio quedó limpia
relució como una piedra blanca en la lluvia
y sin mirar atrás nadó de nuevo
nadó hacia nunca más hacia morir.
***
Pablo Neruda (1904-1973) – Vaguedivague (Estravagario, 1958)