Les chiffres du numérique et comment les interpréter

Par Eguillot

Le "mommy porn" Fifty Shades of Grey s'est vendu à trente millions d'exemplaires dont la moitié d'ebooks. Parallèlement, Hachette Book Group aux Etats-Unis annonce que le numérique représente 27 % de ses profits. Et à titre personnel, ma nouvelle gratuite Les Explorateurs a été téléchargée plus de 10 000 fois sur l'iTunes Store d'Apple. Qu'indiquent ces chiffres ? Que les choses bougent, bien sûr, mais on peut déjà faire certaines déductions plus fines sans risque de se tromper.

Mettons de côté le cas Fifty Shades of Grey, parce qu'on est dans l'érotique, que les livres électroniques permettent davantage de discrétion dans la lecture et que ce chiffre n'est sans doute pas tout à fait représentatif du marché. Celui qui me frappe le plus est celui d'Hachette Book Group : 27% des profits avec les ebooks !

Hachette a tendance à vendre ses ebooks plus cher qu'il ne devrait pour protéger ses ventes papier. Et on parle de profits. Cela signifie qu'en terme de nombres d'exemplaires, les ebooks représentent déjà au moins 30 ou 35 % du nombre d'exemplaires vendus par Hachette aux Etats-Unis. 

Imaginez maintenant, si Hachette Book Group divisait par deux le prix de ses ebooks. On peut imaginer qu'en termes de nombres d'exemplaires vendus, cela représenterait au moins 60 ou 70% du total. En termes de profit, on serait à au moins 50%.

Le chiffre total de vente d'ebooks aux Etats-Unis en 2012 représenterait environ 25% du total tous livres confondus. Mais ce sont les chiffres officiels. Ces chiffres prennent-ils vraiment en compte les autoéditeurs, qui vendent leurs ebooks moins cher ? J'ai un doute.

Je ne serais pas surpris qu'en terme de nombre d'exemplaires, on soit déjà à plus de 50% d'ebooks vendus aux Etats-Unis, tous livres confondus.

Pourquoi le nombre d'exemplaires est-il si important ? Parce que cela détermine le nombre de lecteurs que l'on touche. Tous les auteurs édités savent qu'ils touchent moins de lecteurs que s'ils autoéditaient le même ebook en fixant eux-mêmes son prix, parce que les éditeurs ont des frais, et augmentent donc le prix des ebooks. Plus vous touchez de lecteurs, plus vous avez de chance de vendre d'autres livres. C'est là que la logique de l'éditeur diverge profondément de celle de l'autoéditeur.

Après, bien sûr, il y a la question du "prestige de l'éditeur". Mais attention, parce que là, on entre dans le TRES subjectif.

Mais la France, dans tout ça ? Totalement à l'écart du phénomène ? Pas tant que cela. L'éditeur de l'imaginaire Voy'el explique dans une interview sur iDBOOX que ses chiffres de vente sur le numérique lui permettent de survivre. Les retours de livre papier lui coûtent en effet trop cher, et sans le numérique, Voy'el aurait sans doute déjà dû mettre un terme à son activité.

Ce n'est pas une surprise pour moi. Tous les libraires que je vois en séance de dédicaces me parlent du déclin de la vente des livres, et l'on sait par ailleurs que les éditeurs les plus prospères louent les meilleurs emplacements pour les ventes, au détriment des autres.

Cette année 2012 de l'ebook en France est en tout cas porteuse d'espoir. En ce qui me concerne, il faut une cinquantaine de téléchargements gratuits pour avoir une vente d'un exemplaire payant, soit du recueil complet Les Explorateurs, soit d'une autre des nouvelles payantes du même recueil (je dois être à 200 ebooks vendus de mes nouvelles de SF et du recueil pour l'année 2012).

L'intérêt, c'est aussi les notes et les commentaires, pour les ebooks gratuits. Les Explorateurs a été noté 81 fois sur iTunes. Il m'est arrivé à plusieurs reprises d'encourager des proches à me rédiger des commentaires en ligne, mais je ne le fais plus. J'ai décidé de laisser les choses se faire d'elles-mêmes pour ne pas truquer le système. Et si vous regardez le seul commentaire fait sur ma nouvelle Les Explorateurs sur iTunes, il y a un vrai parfum d'authentique, non ?

Le parfum que j'apprécie le plus, celui de la sincérité.