Le réalisateur israélien Amos Gitai a dévoilé samedi à Venise Lullaby to my father (« Berceuse pour mon père »), une sorte de « journal intime » sur son père architecte à travers lequel il a voulu dire « quelque chose sur le monde contemporain ».
« J’ai déjà beaucoup parlé des rapports israélo-palestiniens dans mes films et j’ai eu envie de faire une sorte de journal intime en plongeant dans mon histoire familiale », explique l’auteur de Kadosh et Kippour.
Munio Gitai Weinraub (1909-1970) n’est pas un architecte quelconque puisqu’il a étudié auprès du célèbre Bauhaus, fondé en 1919 en Allemagne par Walter Gropius, qui visait à « la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme: architecture, art plastique et peinture ».
« Je crois qu’à travers ce personnage je dis quelque chose sur le monde contemporain par rapport à l’architecture et à l’artisanat. Je suis moi-même un ex-architecte, et je suis parfois fatigué de tous ces architectes qui ne dessinent que des musées et des aéroports », explique-t-il.
« Je crois qu’il faut rappeler à l’ordre les architectes pour qu’ils fassent des logements pour les gens aux moyens limités (…) Je prends la biographie de mon père pour parler de cela. C’était un bon prétexte pour poser des questions qui m’intéressent de toute façon », admet-il.
Outre proposer ses vues sur l’architecture, Amos Gitai offre aussi aux spectateurs « une sorte de voyage intime et tendre » à la découverte de ses parents, son père Munio mais aussi sa mère Efratia, dont des extraits de lettres sont lus dans le film par Jeanne Moreau.
« J’ai beaucoup de chance: Jeanne Moreau est tombée amoureuse de ma mère quand elle a lu l’édition de ses lettres par Gallimard, elle a a-do-ré! » raconte Gitai, qui aura 62 ans le mois prochain.
« Ma mère était un personnage très présent, très courageux. Quand elle avait 19 ans, elle est allée voir Freud à Vienne où elle est restée jusqu’en 1932 (…) Il y a un effet-miroir, ça ne m’étonne pas que Jeanne Moreau soit tombée amoureuse de ma mère », dit-il avec un clin d’oeil.
« J’ai eu de la chance: mes parents avaient des personnalités très fortes, mais n’étaient pas écrasants », raconte-t-il. Ainsi, Mon père « ne m’a jamais dit, jusqu’à l’année de sa mort – il avait une leucémie à un stade très avancé -, qu’il avait connu Paul Klee et Vassily Kandinsky, car il ne voulait pas m’impressionner ».
« Il m’a juste conduit sur les chantiers de construction où il m’a fait connaître les artisans, ce qui m’a permis d’apprendre plein de trucs dont je me sers encore quand je fais un film », dit-il avec émotion. « Mon père est mort quand j’avais 19 ans alors que je faisais mon service militaire ».
En faisant ce film, « j’ai découvert des choses que je ne connaissais pas sur mes parents », confie-t-il. Aujourd’hui, Amos Gitai « bouge pas mal: je vis dans ma ville natale à Haïfa, mais à Paris aussi, parfois aux Etats-Unis ».
A travers ce film, où apparaissent aussi Yael Abecassis et Hannah Schygullah, il a voulu réfléchir sur « le rapport fils-père, l’architecture et l’Histoire avec un grand H ».
← Article Précédent