Le mystère de la personne humaine nous conduit à l’universel. La simple perception que tu as de toi-même sourd d’une conscience plus large que tu ne le penses, d’abord d’une histoire propre, puis de toute l’histoire dont elle est l’ultime rameau, le fruit caché, la jeune feuille sur la plus haute branche : conscience de ce mystère d’être soi, d’être vie, et de le saisir, de le tenir un moment et de pouvoir le dire, même imparfaitement, comme si toute l’aventure de l’existence s’achevait dans ce savoir d’elle-même – conscience qui ne l’enferme pas, mais au contraire l’élargit à s’y perdre.
Dedans et dehors tout à la fois, immanence et transcendance se rejoignant dans le même battement, voilà ce qu’est la présence. Il est sans doute inévitable de les distinguer, mais plutôt comme des attitudes, au même titre que la chair et l’esprit. Il faut nous placer à l’intérieur des êtres et des choses, c’est-à-dire dans leur profondeur. En son for interne, on peut toujours être au-dehors, dans l’imaginaire, les fantasmes, l’artifice. En tout et partout se trouve un centre, on peut le chercher ardemment ou s’en tenir à la périphérie. L’intériorité ne s’oppose jamais frontalement à l’extériorité : c’est une couche plus profonde, le visible et l’invisible se chevauchant, se recouvrant ou se clarifiant l’un l’autre.
Dieu est, Dieu est présence. Nous passons toute une vie à côté de cette évidence criante, car nous avons perdu le contact avec notre propre présence. Aussi, prendre conscience de toute présence, plus profondément, plus intensément que de coutume, dans une attention toute pure, au-delà des intérêts, des besoins, du plaisir comme du déplaisir, dans une sorte d’immédiateté nue, qu’il s’agisse d’une présence humaine ou de ce sentiment de la nature qui parfois nous gagne, nous rattache nécessairement à cette présence universelle qui fait l’être en son fond. Prendre conscience de Dieu, ce n’est pas penser mentalement à Dieu, mais d’abord prendre conscience de soi, de l’autre, du monde qui nous entoure, dans une sorte de transparence qui nous mène tout droit à la source, à la racine, à l’origine, à cette lumière une qui sous-tend et traverse toute chose.
Source : La Vie