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Réouverture de la chasse aux Roms

Publié le 01 septembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Ce qui est contestable dans les récentes affaires d'évacuation de Roms, ce n’est pas tant la fermeté républicaine du gouvernement que l’instrumentalisation politique et la brutalité des méthodes utilisées.

Par Alain Madelin.

Réouverture de la chasse aux Roms

À 6 heures du matin donc, ce 20 août, à la demande du maire d’Évry, sur les terres du ministre de l’Intérieur et à sa demande, les pelleteuses ont détruit le campement sauvage que 70 Roms avaient installé sur un terrain public. Il parait qu’il y avait urgence. Pourtant, voilà 3 ou 4 mois que cette occupation illégale perdurait et une décision de justice était attendue pour les jours suivants. La police n’a pas attendu. On casse d’abord, on juge après.

Il y avait manifestement là – et c’est tout le problème – la volonté de faire de cette opération un exemple, un symbole, de fermeté politique. De ce point de vue, l’opération est réussie. Menée de main de maître, elle assure un triomphe à l’applaudimètre quelques jours plus tard devant les militants socialistes réunis à la Rochelle. Comme devant un très banal meeting UMP ! La France peut applaudir, l’indignation est en vacances.

Et l’on a même entendu certains de ceux qui hier étaient si prompts à dénoncer des méthodes « gestapistes » en de tels cas justifier cette action, à l’instar du rédacteur en chef du grand hebdomadaire de la bien pensance de gauche pour qui ne pas agir eût été se rendre coupable de « non assistance à personne en danger ». L’indignation peut donc bronzer tranquille, les pelleteuses étaient celles de l’assistance !

Or ce qui est contestable, ce n’est pas tant la fermeté républicaine du gouvernement que l’instrumentalisation politique et la brutalité des méthodes utilisées.

« Je ne peux pas supporter, en tant qu’homme de gauche, qu’il y ait des bidonvilles » s’est justifié le ministre.

Certes, mais où est l’alternative ? Un relogement très précaire, très provisoire et très coûteux de quelques nuitées d’hôtel ? Une communauté de misère dispersée ? Que deviendront les 19 enfants du malheur scolarisés ? La petite Rebecca « qu’il fallait voir partir le matin fièrement à l’école avec son cartable tout neuf » nous dit la journaliste du « Monde » ?

J’entends bien les problèmes que ces occupations sauvages peuvent poser aux maires et aux riverains. Je sais l’utilisation scandaleuse des bébés dans une mendicité apitoyante, la réalité des bandes de petits voleurs ou de petites voleuses. Et je mesure l’extrême complexité de la question et la très grande difficulté des solutions.

Et c’est justement pour tout cela que les problèmes posés par certains roms ne doivent pas servir à stigmatiser l’ensemble d’une communauté et que la chasse aux roms ne doit pas servir de filon médiatique et électoral.

Je le dis aujourd’hui sans détours d’autant plus volontiers que j’ai bien protesté contre les descentes de police dans les écoles, la stigmatisation des émigrés et des roms et toutes les politiques sécuritaires « spectacle ».

Sur cette question, comme d’ailleurs sur le problème général de l’immigration, nous avons besoin d’une politique de long terme, solide, apaisée, bipartisane, pour faire pièce aux extrêmes qui savent si bien exploiter les peurs. Le Président de la République qui sut – au-delà de son camp – se poser en Président rassembleur, serait bien avisé de prendre une initiative en ce sens. Les mouvements de menton, les discours sécuritaires et la police spectacle ne sauraient pallier ce déficit de vraie politique.

Deux principes incontournables doivent servir de guide.

1. Les populations nomades sont un fait en Europe. Dans un magnifique article en août 2010, le philosophe André Glucksmann indigné par les propos du Président de la République d’alors, a fort bien expliqué pourquoi « le droit à l’errance est imprescriptible en bonne démocratie ». Pourquoi il fallait reconnaître la légitimité d’un nomadisme multiséculaire et transeuropéen et qu’il n’appartenait à personne de fixer de force des peuples vagabonds.

L’Europe, c’est certes la liberté de circulation des biens, des idées, des capitaux. C’est aussi la libre circulation des personnes. Assurément l’immigration de nos jeunes talents à Londres où celle des plus fortunés en Belgique ou en Suisse pose moins de problèmes que la libre circulation des plus démunis et des plus pauvres. Toutes ces libertés sont indissociables et valables pour tous.

2. Il existe pour traiter de ces problèmes une « règle d’or » qui n’a rien à voir avec celle que nous dicte l’Europe pour brider nos déficits. C’est celle qui est à la base de toutes les morales ; qui est inscrite dans la nature humaine ; celle qui est à la source de nos droits de l’homme et qui préside à l’idée de justice sociale ; celle qui consiste à se mettre à la place d’autrui pour dire « faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous dans la même situation ». (À tous les autres lorsque celle-ci implique plusieurs protagonistes). Ou encore sous une autre forme : « ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fissent dans la même situation ».

Cette règle d’or-là, aussi, mérite d’être rappelée.

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Publié initialement le 30.08.2012 dans le Huffington Post.

Lire aussi :  La circulaire sur l'évacuation des Roms.


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