Chimène Denneulin, Lectoure, vue d'exposition
Chimène Denneulin, Sol, San Francisco
Outre celle sur Arnold Odermatt, parmi les autres expositions de l'été photographique de Lectoure (qui vient de se clore), j'ai apprécié, présenté dans une école primaire à l'ancienne, le travail d'une rigueur froide et dépouillée de Chimène Denneulin (que j'avais découverte à Nantes il y a quatre ans) parcourant le monde (Bamako, Mexico, San Francisco, Le Caire, la Palestine) pour y récolter des images de rues, de sols (ci-contre le bitume couturé de San Francisco), de constructions, de façades, de containers, qu'elle présente ensuite aux côtés de portraits en pied, iconiques mais délibérément mal détourés pour ne pas dissimuler l'artifice, et comme déposés sur des aplats de couleur vive : on dirait une vision du monde chaotique et dérangeante.
Claudia Imbert, La famille incertaine n°3, 2011
Claudia Imbert montre des scènes d'un quotidien banal, figées, aux personnages immobiles pour l'éternité, comme dans un tableau de Hopper : un peu trop froidement parfait, sauf peut-être cette scène d'une femme agenouillée se mirant telle Narcisse dans la brillance du sol qu'elle nettoie. A côté le cinéaste Lucas Belvaux montre la beauté du béton portuaire et des tuyaux industriels.
L'Argentin Marcos Lopez (ici avec deux compatriotes, l'une documentaire, l'autre historicisante et narcissique), plus que par ses criardes photos couleur récentes, séduit par sa série ancienne (1983) sur l'artiste Liliana Maresca et les étranges prothèses métalliques dont elle parait sa nudité,
Marcos Lopez, Amanda, 2005
berçant un pneu en lambeaux comme un bébé. A côté, Amanda, Indienne de Bolivie, coiffée d'une dérisoire couronne domestique cannibale, vêtue de fourrure et de plastique, fière, intense, sensuelle, la peau humide, les lèvres charnues : une glorification de cette autre Amérique Latine, sous-développée, métissée, exploitée, et digne.
Il faut encore citer les croix de Bamako d'Ananias Léki Dago et son reportage sud-africain, et surtout le travail conceptuel de Pascal Navarro qui, dans le livre Les Années d'Annie Ernaux, a sélectionné les phrases parlant de vues, d'images, de photographies, pour les projeter sur un écran phosphorescent où la persistance rétinienne les superpose comme un palimpseste avant que les mots ne disparaissent. Les images aussi ont vocation à disparaître : « Toutes les images disparaîtront. (...) Toutes les images crépusculaires des premières années, avec les flaques lumineuses d'un dimanche d'été, celles des rêves où les parents morts ressuscitent, où l'on marche sur des routes indéfinissables (...) Les images réelles ou imaginaires, celles qui suivent jusque dans le sommeil. Les images d'un moment baignées d'une lumière qui n'appartient qu'à elles. »
Photos Denneulin de l'auteur.