La vérité des prix

Publié le 26 mars 2008 par Denis_castel
Crédit photo : Dave Di Biase/Stock Exchange 

Après l’enquête de 60 millions de consommateurs, qui fait apparaître des hausses de 40 à 50 % des prix de certains produits alimentaires, tout a sans doute été dit sur le sujet ou presque : que la méthodologie de l’enquête se justifie par le fait que les prix sur Internet facilitent les comparaisons par leur unicité au plan national pour chaque enseigne, qu’un supplément de prix sur Internet par rapport aux prix en magasin se justifie par le service rendu (il faudrait ajouter que la cible de clientèle est peut-être aussi plus aisée), que la hausse des prix des produits alimentaires s’explique en partie par la hausse des prix des matières premières etc.

Invité hier soir de l’émission de C à dire sur France 5 (à visionner ici, ce n’est pas long), Serge Papin, le patron de groupement Système U, que j’apprécie habituellement au demeurant pour son franc parler, dénonçait, avec sa fougue habituelle, l’enquête de 60 millions de consommateurs et les "mauvais procès" faits aux distributeurs. Pour la défense de sa profession, il mettait en avant la faiblesse des marges ("Quand on fait 100 € de chiffre d’affaire à la caisse, il nous reste 2 € précisément dans notre poche.") et citait à l’appui de son propos, l’exemple du magasin des Les Herbiers dont le dernier bilan laisserait apparaître un bénéfice de 1,30 % du chiffre d’affaire, soit 400 € de bénéfice net par salarié.

Ce qu’oublie de préciser M. Papin, c’est que, dans le cas d’adhérents de groupements de supermarchés comme Système U, Leclerc et Intermarché, cas du propriétaire du magasin des Herbiers, le seul bilan de la société d’exploitation du magasin ne veut rien dire. Il peut y avoir une société holding ayant servi au rachat qui facture des prestations de service de façon plus ou moins gonflée, diminuant d’autant le bénéfice net. Surtout, il existe dans la plupart des cas une société civile immobilière (SCI) détenue à titre personnel par le dirigeant du magasin et ayant servi à acheter les locaux du supermarché. Pour ce faire, cette SCI s'est endettée et, pour rembourser ce crédit, facture un loyer conséquent à la société d’exploitation. Enfin, ce que M. Papin passe sous silence, c’est que là où un dirigeant de supermarché gagne le plus sa vie, c’est lorsqu’il revend son magasin. Grâce à la loi Raffarin, qui limite l’ouverture de nouvelles grandes surfaces depuis 1996, le moindre supermarché à Vesoul ou à Toul se vend entre 10 et 15 millions d’euros (exploitation + murs).

Mon propos n’est pas de jeter l’opprobre sur les acteurs de la grande distribution, mais simplement de faire apparaître, que s’ils dénoncent non sans raison les aberrations de la loi Galland et le poids des prélèvements obligatoires, les Serge Papin et autres Michel-Edouard Leclerc peuvent se montrer tout aussi démagos dans leurs interventions médiatiques que nos hommes politiques lorsqu’il s’agit de défendre leur profession. Serge aurait ainsi été plus crédible à mes yeux s’il n’avait pas tenté hier soir de faire passer les dirigeants de la distribution indépendante pour des adeptes de l’économie solidaire.

Enfin, le plus risible dans cette histoire, c’est la réaction du gouvernement, qui s’en va chercher des coupables chez les industriels et les distributeurs, alors qu’il a entre ses seules mains la mère de toutes les solutions au problème du pouvoir d’achat au travers de la baisse à réaliser des prélèvements obligatoires.