« Il n'y a que cela qui fasse tenir le monde debout, la fidélité des hommes à ce qu'ils ont choisi. »
Durant des années, les scientifiques ont baptisé les ouragans et les tornades de prénoms uniquement féminins. Les catastrophes naturelles qui dévastent, détruisent, piquent des crises incontrôlables ne pouvaient être que femelles.
« J'en ai vu passer plusieurs, toutes avec des noms de filles, des noms de traînées, oui je les reconnais à l'odeur, à ce qu'elles charrient, je sens leur force et je peux vous dire que celle-là sera une affamée, une vicieuse, une méchante. »
Katrina est l'une de leur petite fille. Lorsqu'elle s'abat sur la Nouvelle Orleans, les voix d'une dizaine d'hommes et de femmes vont s'élever jusqu'au cœur du lecteur. Si l'histoire n'était pas réelle, Ouragan aurait été un thriller fantastique. J'ai plusieurs fois hésité avant de le découvrir. Je chérissais le souvenir de Zola Jackson de Gilles Leroy.
Roman polyphonique, Ouragan nous parle de la lumière que l'on trouve dans les ténèbres, d'un peuple brisé, d'une ville que l'on secoure à coups de pesticide, d'un État dont la violence de son Histoire hante encore les rues. Les fantômes du passé, le spectre de la mort, l'obscénité du Bien qui souhaite avant tout absoudre, les mots qui tuent, les silences rédempteurs.
L'écriture est fluide, aiguisée, sans apparat. La langue est sublime même quand elle décrit l'horreur. J'emporte avec moi les belles pages de fin, le don de Keanu à Rose et bien évidemment Joséphine Linc Steelson. Elle est assise à côté de Zola.
Babel, 188 pages, 2012
Extraits...
« Moi, Joséphine Linc. Steelson, pauvre négresse au milieu de la tempête, je sais que la nature va parler. Je vais être minuscule, mais j'ai hâte, car il y a de la noblesse à éprouver son insignifiance, de la noblesse à savoir qu'un coup de vent peut balayer nos vies et ne rien laisser derrière nous, pas même le vague souvenir d'une petite existence. »