Interview avec Maëlig Pommeret

Par Rdvdeco


Pouvez-vous nous parler de vous, de votre formation et de votre parcours professionnel?

Je m'appelle Maëlig Pommeret. Je suis né en plein milieu des années 70. J'ai passé toute mon enfance hors de France, immergé dans toutes sortes de cultures. Je viens d'une famille où l'art a une place importante mais on m'a encouragé à poursuivre des études scientifiques. J'étais plutôt d'accord : ça peut toujours servir…
J'ai donc un diplôme d'ingénieur en Génie Mécanique que je pourrai afficher dans mon bureau pour frimer mais son graphisme est vraiment trop années 80 (pas très sérieux pour un diplôme) ! Heureusement il m'a permis de décrocher mon premier job salarié : ingénieur d'étude chez un équipementier automobile. J'ai ensuite évolué dans cette entreprise comme chef de projet Recherche et Innovations pour finalement prendre la responsabilité du pôle Design. Une position intéressante dans l'absolu mais plutôt frustrante chez un sous-traitant de grandes marques automobiles. J'ai donc tenté une première expérience comme indépendant qui a débouché sur … un poste de designer salarié dans une entreprise d'impression de films décoratifs (utilisés notamment dans l'automobile mais aussi dans beaucoup d'autres marchés). Une opportunité pour ouvrir un champ d'exploration design -produits et matières- beaucoup plus large. Ce poste s'accompagnait de la création d'un studio design et du showroom associé.
En temps de crise c'est le genre de dépenses qui n'est pas épargnée en priorité : cela m'a motivé pour reconsidérer la question du statut de freelance. Entretemps ma participation à la naissance d'une entreprise de création d'objets décoratifs et de petit mobilier ludique (Paolodesign) a constitué un complément d'expérience plus direct vis-à-vis du consommateur/utilisateur. Paolodesign a notamment exposé ses produits (et donc mes créations) au salon Maison&Objets à Paris. Actuellement, je suis indépendant à 100% avec une grande partie de mon activité dédiée à la création de produits outdoor.

Pourquoi êtes-vous devenu designer ? Je crois que malgré certaines aptitudes scientifiques et techniques, je ne suis pas assez "macho" pour être ingénieur… et pas assez allumé pour être artiste ! Designer est un bon compromis.

Quelle est votre méthode de travail ? Comment définissez-vous vos créations ? On peut apprendre UNE méthode à l'école, dans la pratique, quand on est designer "généraliste" (ce qui est le cas de la plupart des designers indépendants) il faut pouvoir s'adapter au client et son projet. Dans certains cas la marge de manœuvre esthétique et fonctionnelle est très étroite.
Quand on me demande de renouveler l'esthétique d'un barbecue, on ne peut pas bouleverser toute la chaine de production (même si cela pourrait être bénéfique, ça demande un investissement supérieur au budget prévu pour le projet). Il faut plutôt comprendre les procédés de fabrication existants pour en exploiter toutes ses possibilités et en faire ressortir des formes, des finitions et des fonctions nouvelles.
Quand on me demande de créer une gamme de mobilier grand public, on rentre dans une plus vaste aire de jeux design. Il y a une phase d'étude de tendances, une phase de sélection des pistes à développer faite avec d'autres métiers complémentaires (commerciaux), puis une phase de recherche esthétique et fonctionnelle focalisée autour du produit phare de la gamme (chaise ou fauteuil en général).
Une fois l'orientation validée, on passe à l'étape de conception avec de nombreux échanges entre les métiers techniques et commerciaux (il faut que ça se vende, que ça se fabrique et au bon prix). Quand la conception répond sur le papier aux attentes de chacun, on passe à la partie la plus excitante : la réalisation du premier prototype qui sera testé (mécanique, confort, esthétique) et amélioré pour aboutir au design final : un produit qui n'est plus juste MA création mais l'aboutissement d'un travail collectif au cœur duquel se trouve le design.
Comme un entremetteur il doit marier des préoccupations esthétiques bien sûr mais aussi techniques, environnementales et -le nerf de la guerre- des considérations économiques. Alors effectivement la partie émergée de l'iceberg, c'est mon travail. C'est plutôt valorisant quand ça marche mais aussi très déstabilisant quand ça ne marche pas (un peu comme les acteurs qui incarnent le succès ou l'échec d'un film) et quand c'est le cas on évoque les mêmes excuses que les sportifs : c'est à cause de l'arbitre et l'arbitre c'est l'utilisateur !
Sur quels sujets travaillez-vous en ce moment ? Je travaille sur une multitude de sujets très différents : le logo d'un paysagiste local, des notices de montage pour un fabricant français de mobilier plastique, des projets de barbecues, la présentation graphique et le catalogue d'une PMI, des nouveaux produits complétant une gamme mobilier d'un distributeur, un visuel décoratif pour des toilettes de camping car, une recherche couleurs et matières pour une série limitée anniversaire d'une marque de tondeuses à gazon et surtout des gammes de mobilier outdoor pour une commercialisation en 2014. La variété des projets fait le charme et la richesse du travail d'indépendant.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Êtes-vous inspiré par d’autres designers ? tout ce que l'on vit peut devenir source d'inspiration : une exposition d'art contemporain, une découverte scientifique, un insecte, des feux de voiture cassés, un jeu de construction, l'élagage d'un platane… même le nettoyage des toilettes ! (c'est Hermann Rorschach qui va être content !). Le seul outil indispensable c'est l'imagination. Bien sûr je suis sensible à tout ce qui peut être appelé "création" et s'il faut mettre des noms dessus, je pourrai citer (dans le désordre) Doisneau, Murakami, Veilhan, Paul Smith, Buren, Tom Dixon, Jasper Morrison, Hans J. Wegner, Massaud, Duchaufour Lawrance, Eames, Banksy, …

Quelle est votre plus grande fierté parmi vos créations ? Ma plus grande fierté n'est pas une création au sens produit fini, c'est un outil : il s'agit du premier moule de thermoformage prototype réalisé pour Paolodesign, que j'ai sculpté à la main (à l'heure du numérique, la main reste un outil universel très accessible !). Je l'ai valorisé dans un cadre et il trône dans mon bureau (contrairement à mon diplôme). Collaborez-vous avec d’autres designers ? avec des entreprises ? J'ai collaboré avec d'autres designers mais dans une relation donneur d'ordre/sous-traitant (que je sois d'un côté ou de l'autre). J'aimerai bien collaborer avec d'autres designers au sens partenariat/association complémentaire. Quant à la collaboration avec des entreprises, en fait toute mon activité se déroule dans ce cadre. C'est le métier de designer industriel qui veut ça.

Quelle est la commande que vous aimeriez vous voir confiée ? une commande portant sur des produits, des matières, des procédés que je n'ai pas encore eu l'occasion de travailler.

Ou peut-on acheter vos créations ? Depuis que Paolodesign a changé d'activité, les produits que j'ai dessiné pour eux ne sont malheureusement plus fabriqués (et donc plus disponibles dans le commerce). Mais depuis cette année sont maintenant distribuées chez Leroy Merlin mes deux premières collections outdoor (conçues en 2010) : "Exploration" (mobilier+BBQ) et "Palm Springs" (mobilier uniquement).

Exposez-vous ? Oui, une fois par an au salon SPOGA+GAFA à Cologne sont exposées les futures gammes de mobilier d'extérieur (encore à l'état de prototype) ainsi que les barbecues. Sinon j'expose virtuellement en permanence sur mon site (pas très à jour, je plaide coupable), mon blog (magelidesign.blogspot.com) ou ma page FB pro (facebook.com/magelidesign)

Visitez-vous d’autres blogs de design ? Si oui lesquels ? j'aime beaucoup NOTCOT.org : c'est suffisamment pointu pour y trouver des informations pertinentes et suffisamment éclectique pour y découvrir des choses inattendues. Pour conclure, un livre, un film, une trouvaille dont vous aimeriez-nous parler ? heu, une appli smartphone ça marche aussi ? (sinon je vais parler de films que tout le monde connait ou de livres que peu gens ont envie de lire). Cette appli, c'est "record maker", une sorte de cadavre exquis graphique ludique (pas besoin de savoir dessiner, les dessins sont pré-enregistrés).