Transavia aime le cuir
Le monde de la Ťcomť nous étonnera toujours, d’autant que les journalistes constituent pour la plupart ce qu’il est convenu d’appeler un bon public. D’oů l’exploit tragi-comique de Transavia, compagnie low cost filiale d’Air France, qui ręve d’un jour faire trembler Ryanair sur ses bases : elle annonce, le plus sérieusement du monde, qu’elle va doter ses Boeing 737-800 …de sičges en cuir.
Le choix des mots les plus appropriés s’avčre délicat : bourde, pataqučs, maladresse ? Ou manque de bon sens, de discernement ? En tout cas, belle erreur de communication ! Le cuir est associé, certes, ŕ une notion de qualité mais, surtout, de luxe. Que serait la ronce de noyer du tableau de bord d’une Jaguar sans la bonne odeur des sičges en cuir ? Les passagers attendaient des tarifs défiant toute concurrence, l’émergence tant attendue d’un ennemi mortel franco-hollandais des prédateurs anglais et irlandais et voici que la tendance serait au luxe et ŕ la volupté d’un transport aérien d’une autre époque ?
Apparemment, l’entretien des sičges en cuir est facile et leur poids moindre contribuerait ŕ réduire la consommation de carburant du 737. On croit ręver et force est de constater que Transavia, c’est-ŕ-dire le groupe Air France, s’est trompé de combat. Le groupe, son service de presse ou, semble-t-il, une agence extérieure, simple prestataire de services qui n’a pas tout ŕ fait compris que les petites erreurs font les grands malentendus. D’autant qu’au départ, il y a tromperie. Pas bien méchante mais tromperie quand męme : Transavia n’est pas une compagnie low cost, elle n’a pas pour vocation de s’attaquer aux grands méchants que sont Ryanair, EasyJet, Vueling et quelques autres. Elle n’en a ni les moyens ni męme la volonté : Transavia est une compagnie charter ŕ l’ancienne, qui n’avoue pas son nom, qui s’efforce de mettre les plages méditerranéennes ŕ la portée du plus grand nombre.
Reste le fait que Transavia, au demeurant PME sympathique qui n’exploite que huit avions, est vouée ŕ l’expansion. Transform 2015, curieuse appellation martienne du plan de redressement d’Air France, prévoit de la doter de moyens considérablement accrus, d’une flotte portée ŕ une vingtaine d’appareils confiée ŕ des pilotes de la maison-mčre en surnombre qui, moyennant une prime de 100.000 euros, accepteront de se rabattre provisoirement sur de Ťpetitsť 737, eux qui ręvaient plutôt de passer sur 777 et A380. Comme quoi des sičges en cuir peuvent mener loin !
Autant sourire. Aprčs tout, Air Charter International n’existe plus depuis longtemps, elle qui fut le bras armé d’Air France sur ce marché charter trčs concurrentiel avant de s‘incliner devant des concurrents du Maghreb qui étaient, sans le savoir, des acteurs low cost ŕ part entičre. Les temps ont changé, ce rebondissement est oublié. Et, aujourd’hui, il ne nous reste que les sičges en cuir de Transavia pour évoquer ce lointain épiphénomčne.
Pierre Sparaco-AeroMorning