Autant de questions que le duo, finalement, semble s’être refusé de se poser. Car l’intelligence des deux comparses réside en premier lieu dans le fait de s’accepter musicalement, de ne pas renier les valeurs transmises par leurs ex-compagnons de route mais de les magnifier à leur manière, avec leurs propres armes. C’est en effet une extrême simplicité, au sens le plus noble du terme, emprunte d’une certaine humilité, qui émane des premières écoutes de Carrington Street, essai inaugural du groupe, sorti chez Glitterhouse Records le 27 août. Rien de hasardeux dans tout cela tant les deux musiciens se sont donnés le temps de faire mûrir ce projet durant plusieurs années, de peaufiner ces dix compositions aussi éclectiques qu’authentiques.
C’est bien un véritable exercice de style qui nous est proposé tout au long de ce délectable opus : l’introductif I Dreamt I Was A Sparrow et sa ligne de basse bondissante soutenue par la douce voix d’Adele Pickvance insuffle immédiatement un vent de douce folie et de légèreté, fil conducteur de cet album aux orientations riches et variées. Car si ce premier morceau lorgne sans vergogne du côté de Crowded House, autre représentant de la grandeur pop océanienne qui ne cesse de nous émerveiller depuis plus de trente ans, le ton adopté change ensuite au gré des morceaux, mettant ainsi en scène la capacité du duo à jouer avec les genres sans jamais cependant tomber dans la caricature. De l’émouvante ballade Auntie Nelly avec son piano chatoyant et son orchestration tout en crescendo en passant par le très jazzy Tomorrow Today, les singularités s’enchaînent, entraînant un déferlement de petites pépites toutes plus originales les unes que les autres. Alors que Rescue avec ses airs de démo tout droit sortie de 16 Lover’s Lane ranime la flamme affective et rend un hommage d’une rare justesse au groupe de Brisbane, Remembering Names en forme d’inédit de Teenage Fanclub totalement assumé, chœurs ensoleillés et guitare soyeuse à l’appui, joue la carte du petit hymne et envoie un énormissime clin d’œil en direction de l’Écosse, cette autre terre bénie de la pop. Une œuvre décidément évocatrice du nord du Royaume-Uni, tant au travers du somptueux Grey Suits, petite pièce en forme de chef-d’œuvre atemporel, c’est surtout à la bande de Stuart Murdoch que nous sommes tentés de faire référence. En effet, ce morceau aurait pu être l’œuvre d’un Belle & Sebastian perdu quelque part entre ses périodes Jeepster et Rough Trade mais capable d’éradiquer toute maladresse volontaire dans le chant, la production ou l’orchestration tout en gardant un côté authentique et sincère, virage que n’est pas parvenu à négocier en son temps le leader du groupe de Glasgow.
Œuvre au caractère kaléidoscopique d’une rare pureté mélangeant pop, rock et folk voire country comme sur ce Happiness hanté par la présence de John Fogerty, où ces voix féminines et masculines soutenues par un harmonica s’entremêlent avec grâce, Carrington Street n’en demeure pas moins un disque évocateur d’une certaine cohérence, les différents morceaux le composant se distinguant au final plus par leur complémentarité que par leur différence. Adele & Glenn sont parvenus avec subtilité à faire de leur héritage une réelle richesse afin d’offrir un album inaugural chaleureux et sans simulacres. Devoir de mémoire ? « I’ll dive for your memory », assurément, sans aucune concession.
Tracklist
Adele & Glenn – Carrington Street (Glitterhouse Records, 2012)
1. I Dreamt I Was A Sparrow
2. Tunnels
3. Tomorrow Today
4. Grey Suits
5. Auntie Nelly
6. Rescue
7. Remembering Names
8. City Of Sound
9. Happiness
10. Earthly Air