Louis, 14 ans: Chez moi, dans le couloir, il y a une grande bibliothèque. Je peux prendre le temps de chercher le bon livre. Il y a quelques jours, j’ai pris l’Etranger de Camus. Je viens de le commencer, et je n’ai pas encore rencontré l’étranger.
Camus est souvent étudié pendant la scolarité. Un prof vous l’a conseillé ?
Louis. : Je n’aurais jamais pu le lire si un prof me l’avait conseillé. C’est mon livre. C’est mon parcours. Je n’aime pas qu’on s’octroie le droit de porter un jugement sur ma lecture.
Alors pourquoi Camus ?
Louis. : J’adore la couverture du Folio : une peinture sur fond jaune et le titre qui n’a rien à voir. Ça m’a intéressé.
Fanny, 20 ans. : J’aime bien griffonner mes livres, et ensuite, je fais beaucoup de recherches, je vais chercher quels auteurs sont admirés par l’écrivain, de qui il est l’interprète, quels sont ses autres livres. Je vais les lire. Je me renseigne sur sa vie…
Louis. : Ce que je ne fais jamais. Je lis Camus, je n’ai pas envie de savoir qui il est. Sa vie privée ne me regarde pas. J’ai besoin d’avoir un accès direct au texte. Déjà, forcément, il y a un rapport entre ce qu’il écrit et ce qu’il est, et j’arrive un peu à cerner sa personnalité. C’est suffisant.
Extrait de la remarquable série de portraits de lecteurs publiée par Anne Diatkine dans Libération cet été... c’était le premier article Ecrire la vérité c’est possible.
A découvrir aussi Un Robert m’a sauvé la vie (témoignage d’un prisonnier) et Des appels d’air dans ma rumination (propos d’un patient interné en hôpital psychiatrique).
Quant aux propos de Louis 14 ans, ils font écho à cette vision radicale de la lecture formulée jadis par Margueritte Duras.
Il ne faut pas intervenir, il ne faut pas se mêler des problèmes que chacun a avec la lecture. Il ne faut pas souffrir pour les enfants qui ne lisent pas, perdre patience. Il s’agit de la découverte du continent de la lecture. Personne ne doit encourager ni inciter personne à aller voir ce qu’il en est. Il y a déjà beaucoup trop d’informations dans le monde sur la culture. On doit partir seul vers le continent. Découvrir seul. Opérer cette naissance seul. Par exemple, de Baudelaire, on doit être le premier à découvrir la splendeur. Et on est le premier. Et si on n’est pas le premier, on ne sera jamais un lecteur de Baudelaire. Tous les chefs-d’œuvre du monde devraient avoir été trouvés par les enfants dans des décharges publiques et lus en cachette à l’insu des parents et des maîtres.
Extrait d’un textepublié à l’origine dans leNew York Times le 23 juin 1985. et fort heureusement en grande partie mis en ligne par François Bon sur son excellent site/magazine Le Tiers Livre. (Ne pas manquer de lire aussi les commentaires).
Et, justement, puisque Marguerite D. s’interrogeait, dans le même article :
On se demande par quelle aberration les grandes bibliothèques publiques sont fermées la nuit.
je me dois de signaler la mise en ligne (captation vidéo) des contributions à la rencontre La bibliothèque : faire société (25 et 26 juin 2012)
La bibliothèque : faire société
Rencontre organisée à l'enssib les 25 et 26 juin 2012 dans le cadre des Estivales.
Auteurs : Berthiaume, Guy, Bertrand, Anne-Marie, Bret, Jean-Paul, Charle,
Christophe, Damien, Robert, Doueihi, Milad, Kambouchner, Denis, Melot, Michel, Pompougnac, Jean-Claude, Racine, Bruno, Roubaud,
Jacques
Thématiques du 25 juin : Bibliothèque, création et mémoire
Thématiques du 26 juin : Bibliothèque, éducation et politique
Comme l’école, après l’école, la bibliothèque peut être un instrument de connaissance du passé, d’analyse du présent et de construction de l’avenir. Qu’est-ce qui rend ce projet possible,
légitime, nécessaire ? En quoi la bibliothèque et, plus généralement, les instances de partage du savoir et les institutions culturelles permettent d’être « parmi les hommes » ? Comment,
inscrites dans l’épaisseur du temps, elles se nourrissent nécessairement de mémoire et d’histoire ? En quoi elles peuvent/doivent contribuer à la reconstruction d’un espace public, d’un débat
public ? Quelle ambition politique, quel projet démocratique peuvent trouver un ancrage une assise, dans ces institutions et fonder leur raison d’être ?
A travers ce colloque et ses intervenants, l’Enssib a souhaité interroger quelques-unes de ses convictions et de ses exigences : la curiosité intellectuelle, la liberté de l’esprit, la mémoire
partagée, la passion de la chose publique, le rôle politique de la bibliothèque.
Une éthique de la bibliothèque.
Et, bien sûr, sublime, forcément sublime… Proust, Sur la lecture note déjà publiée en ces pages…
Fils d'actualités très vivement conseillés :
La lettre du réseau culture sur Territorial.fr
Le "netvibes" de l'Observatoire des politiques culturelles
Les net-actualités sur le site d'Arteca
Le tableau de bord des Think tank (Netvibes)
Le calendrier francophone en sciences humaines et sociales, Calenda
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