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Un samedi à Saint-Cloud (Rock en Seine 2012)

Publié le 29 août 2012 par Stéphane Kahn

 

La sensation fut grisante. Reprendre cette ligne de métro ignorée le reste de l’année, retrouver son terminus. Sortir, précéder ces festivaliers qui avaient moitié moins que mon âge, marcher jusqu’au pont, traverser la Seine, descendre les marches, rentrer dans le court tunnel, refuser les flyers, choisir la file d’entrée (billet 1 jour cette fois, et non forfait 3 jours comme souvent, par le passé). Je ne l’avais plus fait depuis trois ans. En 2010, quelques jours avant Rock en Seine, ma fille venait de naître. En 2011, la programmation ne valait vraiment pas le coup (lire ici). Et moi qui y allais tous les ans depuis la première édition, cela faisait deux ans que je séchais Rock en Seine. Le lieu m’avait manqué. Les souvenirs de concerts exceptionnels vus là-bas me faisaient patienter.

Il faut redire comme le Parc de Saint-Cloud offre un cadre idéal à ce dernier grand festival de la saison, comme, surtout, celui-ci s’est imposé en dix ans comme un rendez-vous de fin d’été immanquable, un sas accueillant qui nous permet de pénétrer en douceur dans la redoutée semaine de la rentrée. Sous le soleil le plus souvent. Avec nos amis évidemment.

Samedi, je revenais. Mes vacances s’achevaient. Je laissais Lou et Lola avec leur mère, pour la première fois après quatre semaines passées à quatre entre Paris, la Bourgogne, Paris et Saint-Malo. Quatre semaine avec trop peu de musique.

La programmation de ce samedi n’était pas exceptionnellement enthousiasmante. Du réchauffé, pour moi, pour tout dire. Des valeurs sûres qui ne l’étaient plus si sûrement. Trois groupes que je vénérais jadis y jouaient, certes, mais leur grandeur était derrière eux. dEUS venait de sortir deux albums plus que moyens. The Black Keys m’intéressaient toujours mais je ne les avais pas revus sur scène depuis la sortie de Attack and Release et depuis que le duo passait au Zénith en se faisant épauler sur scène par deux musiciens additionnels pour muscler (en était-il besoin ?) leur aimable virage FM (Lonely Boy, nouveau Seven Nation Army ?). Quant aux Eagles of Death Metal, leur dernier album commençait à dater et j’avais été, l’an dernier, quelque peu effaré par la nullité de Boots Electric, l’éphémère projet solo de Jesse Hugues. Il y avait tout de même cette curiosité : après l’annulation et le split de 2009, vécus en direct, peut-être voir enfin le cerveau d’Oasis (oxymore ?) défendre un premier album solo digne quoique un peu convenu. Bref, suffisamment de raisons pour revenir et pénétrer, grisé et excité, dans l’enceinte du festival.

Dans le dernier numéro de VoxPop, on a lu cet été un reportage passionnant sur les membres de dEUS, accompagnés une journée durant à Anvers, dans leur quartier et dans leur studio. Eh bien, c’est triste à dire, mais en 2012 on aime plus l’idée de ce que représente dEUS (sur le papier, dans notre mémoire) que ce qu’est devenu le groupe de Tom Barman en réalité. Si leur concert parisien de l’automne dernier au Trianon faisait illusion grâce notamment à un rappel ahurissant (lire ici), le set exécuté paresseusement à Rock en Seine samedi a fait de la peine. Principalement constitué de morceaux récents (et pas forcément les meilleurs), il ne procura guère de montée d’adrénaline, le groupe jouant en pilotage automatique (face, il est vrai, à un jeune public assez indifférent), sans passion, jusqu’à un Suds and Soda final fort heureusement épicé par quelques judicieuses citations du Sabotage des Beastie Boys (en hommage à Adam Yauch, suppose-t-on). C’était la neuvième fois que je voyais dEUS. Peut-être la dernière.

Par contre, c’était la première fois que je voyais Noel Gallagher. Oasis, il faut bien l’avouer, je n’ai commencé à apprécier et à vraiment écouter leurs deux premiers albums que lorsque le groupe était au plus profond de son long déclin et à son douzième split officieux. Et ce soir-là, face à Noel Gallagher et ses mercenaires, force était de constater l’indéniable savoir-faire du mec. Rien d’exceptionnel, non, mais une efficacité dingue, de la tenue et la sensation d’être face à une sorte de condensé idéal de la pop anglaise, face à un auteur/compositeur qui recycle ses recettes peut-être, mais devant lequel on a envie d’applaudir, juste parce que faire « la-la-la » pile à ce moment-là, parfois, c’est bon.

Reste qu’on ne s’attarda pas et qu’on n’entendit pas de morceau d’Oasis (il en joua) car il fallait manger de la bière et déjà rejoindre la scène accueillant The Eagles of Death Metal. Pas vus depuis trois, quatre ans, mais toujours aussi puissants, drôles et généreux. Une heure à toute berzingue. Un pied total. Jesse Hugues est un des super-héros du rock’n’roll actuel. Ça ne se sait pas beaucoup, mais c’est vrai.

À l’inverse, Dan Auerbach et Patrick Carney de The Black Keys ont beaucoup perdu de leur superbe. Comme si leur musique passait mieux dans des petites salles que dans l’immensité de la Grande scène de Rock en Seine. Alors, oui, heureusement qu’il rejouèrent Thickfreakness et quelques vieilleries blues rock car si j’aime, sur disque, leur petit virage soul, sur scène, les morceaux de Brothers ou de El Camino affadissent l’intensité habituelle de leurs performances minimalistes. Comme disait l’autre, c’était mieux avant. Quand on ne les regardait pas sur un écran géant...

Parmi tous ces « vieux », il y eut enfin Mark Lanegan, compagnon de route des Queens of the Stone Age. Finir la journée avec son set fascinant et un son absolument énorme était ce qui pouvait m'arriver de mieux. D’autant plus que, lui, bizarrement, je ne le connais quasiment pas et n'ai jamais (honte !) écouté ses disques. C'était donc la paradoxale découverte de ce samedi. À minuit, il était temps !


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