Titre original : The Campaign
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jay Roach
Distribution : Will Ferrell, Zach Galifianakis, Jason Sudeikis, Dylan McDermott, Katherine LaNasa, Sarah Baker, John Lithgow, Dan Aykroyd, Brian Cox, Karen Muruyama, Grant Goodman…
Genre : Comédie
Date de sortie : 29 août 2012
Le Pitch :
Député chevronné sans rival, Cam Brady est une star de la politique. Pourtant, un jour, il commet une grossière erreur dans le cadre de sa nouvelle campagne. Une bourde que ses rivaux entendent bien exploiter en l’opposant à Marty Huggins, un américain moyen manipulable. Entre les deux hommes, la bataille est prétexte aux pires insultes et autres coups bas…
La Critique :
Fin 2011 sortait dans les salles obscures, Les Marches du Pouvoir, la satire politique de George Clooney, qui revenait sur les dessous de la campagne d’un homme politique démocrate plus véreux qu’il n’en avait l’air. Un film qui écorchait brillamment les mécanismes d’une politique américaine gangrénée par le mensonge et par l’argent. Moi, Député, de Jay Roach aborde le même sujet. Avec la même hargne, mais en optant pour une approche farfelue et comique. Comme souvent quand on parle de la bonne comédie américaine, le sous-propos est sérieux et en phase avec les préoccupations actuelles.
Car aujourd’hui, l’Amérique vibre. Politiquement parlant. Obama remet sa présidence en jeu et tous les coups sont permis. Comme dans le long-métrage qui peut se targuer d’être non seulement d’une pertinence salutaire, mais aussi rudement efficace.
Il est là le génie de Moi, Député : arriver à dénoncer tout en offrant un divertissement de qualité. Ainsi, ceux qui se préoccupent de politique comme de leur première chemise s’amuseront quand même. Les autres, ceux qui désirent voir autre chose qu’une bouffonnerie U.S. classique, se régaleront des multiples références et des directs du droit lancés à la face d’un système perfide.
L’Amérique en prend pour son grade. Le long-métrage, à la manière des meilleures satires, démonte quelques figures de proue légendaires, tel le fameux aigle royal et n’hésite pas à souligner à quel point le pays de l’Oncle Sam ressasse toujours les mêmes thèmes, afin de masquer les vrais problèmes. Le communisme, la chasse au terrorisme, les scandales sexuels et la religion sont au centre de la dynamique hilarante de Moi, Député. La famille nucléaire typique, nourrie au maïs, reçoit quelques belles missives sur le coin de la tronche et c’est beau et drôle à voir.
Un régal qui ne doit pas être entrevu comme une private joke à destination des américains. Car à bien y regarder, ce n’est pas très différent chez nous…
Moi, Député orchestre donc la bataille entre Cam Brady, démocrate je-m’en-foutiste bien assis sur son siège de député et Marty Huggins, vrai/faux crétin choisi par les républicains pour faire passer une loi scandaleuse, l’air de rien. Le début du métrage s’attarde à dépeindre les personnalités hautes en couleurs des deux opposants. Will Ferrell joue avec tout le génie qu’on lui connait, un type franchement porté sur la boisson, le sexe hors mariage et les bonnes vannes , tandis que Galifianakis -que le scénario exploite enfin différemment que les Very Bad Trip et autre Date Limite- incarne un gars tranquille qui n’a rien demandé à personne, mais qui, peu à peu, va se découvrir une conscience politique.
Voir ses deux acteurs se battre à l’écran, au propre et au figuré, est un pur régal. Tandis que Ferrell assoit sa position de puissance comique dévastatrice, dans un rôle proche du Ron Burgundy de Présentateur vedette, Galifianakis semble gagner en maturité, peut-être conscient que Moi, Député explore une autre facette de son jeu d’acteur.
Jay Roach, à l’aise dans ce registre, car rompu à ses codes, peine néanmoins parfois à rythmer son récit, bien que celui-ci n’excède pas l’heure et demi. De petites longueurs s’insinuent alors de temps en temps, mais rien de grave. Ce qui domine, ce sont les performances habitées des acteurs (y-compris les seconds rôles), les gags brillants et subversifs et la satire qui tire à boulets rouges.
Sans compter les quelques moments de bravoure (le bébé, les serpents, les carlins…) qui justifient à eux seuls l’achat du billet.
Dommage alors, vu la liberté de ton affirmée par le scénario dans sa plus grande partie, que le dénouement ne laisse place à un rangement en règle derrière les clichés du happy end bien pensant. Un peu comme si les scénaristes et leur réalisateur, en pensant qu’ils avaient été suffisamment acerbes, avaient décidé d’adoucir le ton. Et c’est précédemment cela qui empêche Moi, Député de se hisser au niveau d’un Présentateur vedette ou d’un Frangins malgré eux, deux des chef-d’œuvres de la filmographie de Will Ferrell. En l’occurrence, des films qui assument jusqu’au bout leur débilité maline qui ne fait jamais marche arrière dans sa démarche de dénonciation hilarante.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros