Le patron de la Bundesbank fait front contre la Banque centrale européenne. Selon lui, ce sont les Parlements et non les banques centrales qui doivent décider d'une mutualisation des risques.
Par Richard North, depuis Bradford, Royaume Uni.
En faisant les gros titres du Spiegel dimanche, reproduits dans la plupart des journaux allemands – même le Bild – et se propageant à Reuters et la presse britannique, un nouvel épisode de la bataille en cours entre la Bundesbank et la Banque Centrale Européenne se déroule sous nos yeux. Mais il s’agit seulement du dernier round dans la guerre des mots – que certains pensent que la BCE a déjà gagné.
Toutefois, le Spiegel décrit le directeur de la Bundesbank Jens Weidmann comme déterminé à entretenir une "course à l'échalote" avec la BCE. Acheter des obligations étatiques est dangereux, c'est un fardeau pour les contribuables et cela conduira à de nouveaux problèmes, dit-il. Ensuite, il attaque directement l’empire de Draghi : "le financement par une banque centrale peut rendre dépendant comme une drogue."
Allant encore plus loin, Weidmann critique le plan de la BCE de lancer de nouvelles acquisitions d’obligations d’État. "Une telle politique est pour moi trop proche d’un financement public par la planche à billets", prévient-il, déclarant ensuite : "Dans les démocraties, les parlements devraient décider d’une telle mutualisation des risques, non les banques centrales."
Si vous achetez des obligations d’État d’un seul pays de la zone euro, "le papier finit dans le bilan de l’eurozone", explique Weidman. "À la fin, l’argent doit être trouvé auprès des contribuables de tous les autres pays". Selon lui, les problèmes de départ ne sont pas résolus ainsi.
Défendant sa "politique de communication agressive", Weidmann déclare : "Si la politique monétaire s’autorise à devenir un solveur autonome et complet de problèmes politiques, son objectif réel risque de s’éloigner de plus en plus". Donc, selon lui, la BCE ne devrait pas "garantir le maintien des États-membres au sein de la zone Euro à n’importe quel prix."
Dans un appel à l’ouverture, il estime que "nous, banquiers centraux, sommes en train de travailler aux limites du système, et nous devons dialoguer sur des questions fondamentales. Ainsi, nous devons nous préparer à expliquer les accusations [NdT de la politique] que nous prononçons au grand public", ajoutant : "Le Conseil des Gouverneurs n’est pas le Politburo."
Et malgré l'accent mis sur Weidmann, Handelsblatt nous rappelle qu’il n’est pas seul. Dans une édition récente du Welt, l’ancien chef économiste de la BCE Jürgen Stark faisait valoir que le financement prévu par la BCE était "une violation flagrante de la loi européenne". Actuellement, le secrétaire général du CSU Alexander Dobrindt soutient également Weidmann. Dans le Bild am Sonntag, Dobrindt a fustigé les plans de Draghi pour l’euro, les qualifiant d'"extrêmement dangereux" et surnommant le président de la BCE de "faussaire de l’Europe". Par ailleurs, Dobrindt pense que la Grèce serait beaucoup mieux hors de la zone euro. Après quoi, il prétend que "nous aurions besoin d’un plan Marshall pour la reconstruction économique de ce pays".
Et maintenant, c'est au tour de Merkel de se laisser entraîner dans la tourmente. L’envoyé spécial à Berlin de la chaîne ARD lui a demandé lors d’une interview télévisuelle de commenter les déclarations de Weidmann. Elle a salué son franc-parler et a vu d'un bon œil la forte influence de la Bundesbank à l’intérieur de la BCE. Il semblait pourtant qu’elle faisait attention à n’exprimer aucun soutien aux critiques des politiques de Draghi...
Ce qui rend les attaques contre la BCE si étranges est que Draghi semble effectivement avoir déjà abandonné la partie. Il a annoncé qu’il comptait attendre l’avis de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe du 12 Septembre avant de lancer des initiatives.
Malgré tout, le Spiegel nous dit que le conseil des gouverneurs de la BCE va examiner le 6 septembre la possibilité de poursuivre l'achat d'obligations d’État. Je pense que nous connaissons déjà le résultat. Mais peu importe ce qui est décidé, la polémique n’est pas prête de s’éteindre.
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Sur le web.
Traduction : Nicolas B. pour Contrepoints.