Entre un candidat rassembleur et un candidat de « cadre », qui faut-il choisir? Pour Mayeul l’Huillier et Olivier Vanbelle, de Délits d’Opinion, l’opposition entre Jean-François Copé et François Fillon est de toute façon nuisible à l’UMP.
Ce week-end Jean-François Copé s’est déclaré, comme prévu, candidat à la présidence de l’UMP en vue du scrutin des 18 et 25 novembre prochains.
Souvent considéré comme le favori il y a 6 mois de cela en cas de défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle, sa victoire annoncée a, semble-t-il, pris du plomb dans l’aile face à la candidature de l’ancien Premier ministre, François Fillon. D’après les sondages, ce dernier bénéficierait du soutien massif des sympathisants: en mai, une étude TNS Sofres / Sopra Group révélait que 69% de ces sympathisants estimaient que François Fillon serait un meilleur président pour l’UMP que Jean-François Copé. En juillet ce chiffre descendait à 62% dans une étude Ifop pour le Figaro puis à 48% mi-août, selon une nouvelle enquête Ifop-JDD. Si cet écart diminue, il reste conséquent et largement favorable à l’ancien pensionnaire de Matignon.
Des modalités de vote en question
Candidat presque sortant – il est secrétaire général de l’UMP -considéré comme chef du parti, puisqu’une disposition statutaire de l’UMP stipule que lorsque le président de l’UMP devient président de la République, ce qui a été le cas de Nicolas Sarkozy en 2007, la direction du parti, pendant l’ensemble de la durée du quinquennat est assurée par un secrétaire général. Il a pu depuis deux ans structurer et organiser le parti à sa façon. Face à lui, le Premier ministre sortant, assez éloigné de la vie du parti depuis quelques années, mais soutenu par l’opinion des sympathisants. Quel sera le vainqueur? Difficile de le prédire… d’autant plus que les modalités de vote pourraient jouer un rôle.
Le vote aura lieu le 18 novembre prochain, avant un éventuel second tour le 25. Il sera ouvert exclusivement aux adhérents à jour de cotisation le 30 juin de cette année, soit un corps électoral d’environ 260 000 personnes. Contrairement à l’élection de 2004, où il s’agissait d’un vote électronique, le vote se fera « à l’ancienne », avec des bulletins papier, dans les fédérations. Officiellement, il s’agit d’une mesure de réduction des coûts, dans un parti dont les dotations publiques annuelles se verront réduire de 10 millions d’euros en raison du résultat des élections législatives. Mais plusieurs voix s’élèvent contre un nombre trop limité de bureaux de vote, ce qui compliquerait encore le vote d’un certain nombre de militants qui devraient se déplacer s’ils souhaitent s’exprimer.
Derrière ces observations pointent évidemment les soupçons contre un Jean-François Copé qui aurait choisi de tout faire pour défavoriser la participation large des militants. Cette abstention pourrait, selon ses détracteurs, faire pencher la balance en sa faveur. Le calcul est simple: qui dit organisation démobilisatrice, dit participation des militants les plus impliqués, notamment depuis deux ans, donc plus dans la mouvance du maire de Meaux. Inversement une mobilisation accrue favoriserait le candidat des sondages, le vote des militants les moins impliqués étant considéré comme plus proche du choix des sympathisants, et donc victoire plus aisée pour François Fillon…
Certains proches de François Fillon ont ainsi protesté contre une tentative d’instrumentalisation de la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales du parti (Cocoe), qualifiée d’ « association des amis de Copé », pour influencer le mode d’organisation en faveur du Maire de Meaux. Ces critiques allèrent jusqu’à réclamer la démission de Jean-François Copé à son poste de secrétaire général de l’UMP.
Candidat de cadres contre candidat des sympathisants: quelle stratégie gagnante pour le parti?
En 2006, Ségolène Royal, pourtant honnie par les cadres du Parti Socialiste, avait su s’imposer haut la main aux primaires en jouant la carte de l’opinion. En 2009, Valérie Pécresse avait plutôt joué la carte des militants et s’était finalement imposée. Plus récemment, lors de la primaire d’Europe Ecologie Les Verts, l’affrontement entre Eva Joly, candidate des cadres du mouvement et Nicolas Hulot, leader dans les sondages, avait cette fois tourné en défaveur du favori de l’opinion.
A chaque fois néanmoins, ces oppositions se sont avérées plutôt nuisibles aux partis concernés, Ségolène Royal devant faire face à de nombreuses contraintes internes au Parti, Valérie Pécresse réalisant une campagne désastreuse aboutissant au plus mauvais résultat électoral de la droite en Ile-de-France, dans un contexte national difficile, Eva Joly ayant enfin obtenu un score très en-deçà des attentes lors de l’élection présidentielle de 2012.
Sans aucun doute, ces résultats laissent penser qu’une telle élection interne n’est pas la gageure d’une légitimité forte du candidat élu. Les blessures issues de l’affrontement peuvent mettre du temps à cicatriser. Par ailleurs, l’objectif premier d’un parti politique étant de mettre au diapason ses élus et ses cadres, ses militants et ses sympathisants, cette difficile conjonction à résoudre pour un parti politique peut s’en trouver durablement compromise.
Mais n’est-ce justement pas là tout le talent de l’UMP, d’avoir organisé cet affrontement interne très en amont des prochaines échéances électorales, afin que le temps se charge de réunir les deux camps face à des objectifs communs ?
Article publié lundi 27 août sur le site Express Yourself