Après avoir fait un sort, avec succès et brio, aux "39 Marches" d'Hitchcock durant plus de 500 représentations, le comédien a décidé, en cette rentrée, de mettre ses talents de metteur en scène joyeusement fêlé et cartoonesque à souhait au service d'une comédie de Pascal Laurent, écrite dans l'esprit de nos inoubliables "Tontons Flingueurs" et autres films de truands franchouillards en noir et blanc post seconde guerre mondiale. Cela s'appelle "Julie des Batignolles". Le résultat est contrasté.
Le pitch s'avère prometteur. Paulo, Greta, et Riton, trois bras cassés du banditisme, ont kidnappé Julie, jeune fille de bonne famille, dans le but d'extorquer une rançon à ses parents. Attendant que leur rapt produise ses fruits, ils planquent en pleine campagne et ne vont pas tarder à s'apercevoir qu'il y a eu erreur sur la personne. Leur otage est en réalité la meilleure amie de Julie... Les ennuis ne font alors que commencer.
Si la situation et les personnages sont plutôt bien trouvés, c'est dans l'écriture et la structure de son oeuvre que Pascal Laurent pêche assez lourdement selon nous. Nonobstant quelques répliques qui font mouche, indiscutablement, et qui pourraient sans problème supporter la comparaison avec Audiard, l'ensemble des dialogues manque cruellement de relief, de rythme et d'intérêt. L'intrigue pour sa part ne tarde pas à tourner en rond, comporte de nombreuses incohérences, et s'étire bien au delà du raisonnable (on nous annonce d'ailleurs quelques coupes à venir).
De cette matière première aux qualités discutables, Eric Métayer fait ce qu'il peut. Sa fantaisie est toujours là. Il a commandé à Stéphanie Jarre un superbe décor transformable permettant d'amusants flash-backs dont il use à loisir, dirige avec précision et malice ses comédiens. Tous se révèlent excellents. Philippe Lelièvre en tête, dans le rôle de Riton. Il nous offre une composition savoureuse de ce caïd de seconde zone doté d'un accent parigot à couper au couteau. Belle énergie, bon sens du rythme. Viviane Marcenaro est impeccable en ancienne tenancière de bordel à la distinction relative. Manon Glibert est une otage charmante, ravissante et pétillante, Kevin Métayer parfait en apprenti bandit bas de plafond, Thierry Liagre, enfin, fort juste en policier ripoux.
Cette talentueuse équipe parviendra t-elle à faire oublier un script qui ne fonctionne pas ? Nous en doutons un peu, malheureusement.
Au Théâtre La Bruyère.
Photo : Lot