Le 29 août 2012
Courriel :
Objet : « Voltaire, un bel exemple d’uchronie ! »
Monsieur Roger-Pol Droit
Chroniqueur philosophique
Le Monde
80, bd Auguste Blanqui
75707 Paris Cedex 13
Fax : 01 57 28 21 21
[A l'attention de Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, repreneurs du quotidien Le Monde, ainsi qu'à celle de la Direction générale et du Comité de rédaction]
« Qui ne gueule pas la vérité dans un langage brutal quand il sait la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires. » [Charles Péguy, Tempête sur l’Église de Robert Senon]
« Le cri de joie spinoziste est un cri de guerre contre les superstitions. » [Balthasar Thomass, Spinoza, le maître de liberté]
« Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » [Jean Jaurès, Discours à la jeunesse, 1903]
Monsieur,
Avant de commenter point par point votre article publié dans le numéro 2081 de l’hebdomadaire Le Point sous l’intitulé, La face cachée de Voltaire, je me dois au préalable de vous faire part de l’abondante correspondance adressée en vain au quotidien Le Monde entre le 24 février 1997 et le 3 juin dernier, notamment à Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Ignacio Ramonet, en leur temps, ainsi qu’aux repreneurs du Monde et à ses dirigeants actuels.
Pour information, je précise que ce courrier avait constamment pour but essentiel de dénoncer les mensonges et les « croyances au miracle » de notre monde humain, tels que colportés sans cesse sur fondement de penser superstitieux, au fil des siècles et des millénaires, y compris par les faiseurs d’opinion d’aujourd’hui, tous milieux confondus, à savoir médias de toutes tendances, politiciens de tous bords, intelligentsia (prétendus intellectuels ou pseudo-philosophes) et associations "droits-de-l'hommiste" moralisatrices à sens unique.
Vous ne pouvez d’ailleurs pas prétendre l’ignorer, car tout ceci était déjà amplement développé dans mes lettres des 15 janvier et 30 avril derniers, qui avaient respectivement pour objet, Le Monde, J'ACCUSE (énième !) : « François Hollande, un président "normal" ? ! », et, Le Monde, J'ACCUSE (énième+1!), « Complicité de lâcheté, malhonnêteté et débilité intellectuelles avec un éventuel président normal ! », sans oublier celle du 3 juin vous informant de ma lettre au Parti socialiste sous l’intitulé, P S, J’ACCUSE : « Après la présidentielle, les "mensonges" continuent ! »
Toutefois, malgré d’aussi graves accusations sans ambiguïté, démonstration à l’appui, ces lettres attendent toujours du Monde une éventuelle réponse contraire intellectuellement et philosophiquement argumentée. C’est pourquoi, à défaut, votre obstination dans le silence et le refus de débattre, déjà confirmée en son temps par la honteuse capitulation de votre quotidien, en forme de fin de non-recevoir du 26 janvier 2004, m’autorise à dénoncer, une fois de plus, la lâcheté et la malhonnêteté intellectuelles du Monde, telles qu’exprimées par la conclusion ci-après de ma toute dernière lettre, dans laquelle j’avais écrit :
«Sans attendre un éventuel sursaut intellectuellement courageux de votre part, dont vous semblez bien à jamais incapable face à LA Vérité, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes salutations philosophiques, laïques et républicaines, sauf à vous-mêmes ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire.»
Aussi, après le « casse du siècle » de l’élection présidentielle 2012, dû en partie à votre silence complice favorisant le candidat socialiste, je ne peux manquer de souligner la responsabilité intellectuelle, morale et professionnelle du Monde dans cette main-bassesur l’État. Votre quotidien était en effet informé de la teneur de la correspondance adressée vainement au candidat Hollande durant les derniers mois précédant le scrutin, preuves matérielles d’envoi à l’appui, afin de dénoncer ses mensonges et ses « croyances au miracle », ainsi que du défi lancé à son intention de confronter en justice sa vérité et la mienne, puisqu’il n’a eu de cesse de prospérer durant plus de dix ans, sur ses mensonges et la tromperie de l’opinion, comme toute ma correspondance à votre disposition en apporte la preuve
C’est pourquoi je me dois de préciser, une fois de plus, que le penser superstitieux sur lequel il a prospéré pendant plus de dix ans, très précisément depuis le 6 octobre 2000, comme je peux en fournir la preuve écrite, consiste à « absolutiser le relatif », autrement dit à faire passer fictivement, donc mensongèrement, pour LA VÉRITÉ, ou réalité éternelle absolue, le contenu seulement relatif pensé par notre entendement pratique dans et sur (à propos de) notre monde.
Ce faux-penser, ou penser du relatif, se manifeste dans la religion, toutes les religions sans exception (monothéistes ou non), dans la métaphysique, tant matérialiste qu’idéaliste, dans l‘idéologie, toutes idéologies confondues (altermondialisme inclus), et dans le moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres, au nom de LA Morale : LAQUELLE ? !], tous catéchismes réunis, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain, ou Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont seule l’inobservation est réellement universelle.
A son sujet, il ne vous est évidemment pas interdit ainsi qu’à quiconque de démontrer le contraire, à l’aune du devenir du monde depuis sa promulgation par seulement une poignée d’États de la planète, absolutisant fictivement le relatif, au prix de quelques contradictions manifestesillustrées par ce propos surréaliste de Jean-Louis Bianco, alors directeur de campagne de Ségolène Royal, déclarant sur RMC : « On a le droit de tout dire, mais il y a des limites. » [SIC !]
J’en viens à votre article publié dans Le Point pour dénoncer une autre forme de faux-penser, à savoir l’uchronie sur laquelle il se fonde. Ce procédé intellectuellement et philosophiquement malhonnête consiste en effet à refaire en pensée l’Histoire, telle qu’elle aurait pu être et qu’elle n’a pas été, ce qui autorise les « vertueux » de l’époque à juger et à condamner moralement le passé avec notre mentalité droit-de-l’hommiste d’aujourd’hui, ainsi qu’il en va de votre condamnation moralisatrice de Voltaire, mais aussi de celles de l’État français et de la France, respectivement par Jacques Chirac et François Hollande.
En réalité, tous les jugements uchroniques sur fondement moralisateur, et donc aussi le vôtre, appellent à la rescousse rien moins que l’Idéal, un Idéal pourtant à jamais inconnaissable "en soi" pour nous humains. Ceci n'empêche pas pour autant les faiseurs d'opinion d'aujourd'hui de décréter publiquement ce qui est pour eux le Bien et le Mal absolus, autrement dit l'Idéal d'un Bien et d'un Mal, dont ils ne peuvent forcément rien savoir, mais qui est source d'infinies contradictions entre censeurs autoproclamés de tous bords, notamment de différentes ethnies et opinions, prêchant seulement pour leurs intérêts égoïstes bien compris, à titre individuel ou collectif.
Or, pour clouer définitivement le bec à tous ces « vertueux » croyant superstitieusement en la réalité d’un Bien et d’un Mal absolus, et sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire, il me suffit de renvoyer tous ces censeurs autoproclamés à ce jugement imparable de Spinoza, en la matière :
« Nous ne désirons pas une chose, parce qu’elle est bonne (absolument bonne ou bonne "en soi"), c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. »
Quant à son succédané, à savoir le catéchisme prétendument universel, ou Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, il est, non seulement censé pouvoir transposer l'Idéal dans la réalité quotidienne, mais il est surtout utilisé à des fins partisanes pour juger un passé révolu de plusieurs décennies (cf. seconde guerre mondiale), voire de plusieurs siècles, comme il en va de Voltaire, pour vous, de la colonisation et de l’esclavage, alors que cette Déclaration est postérieure aux faits moralement condamnés aujourd’hui en son nom, ce qui établit le fondement uchronique de vos condamnations moralisatrices intéressées.
A ce propos, je tiens également à votre disposition ma lettre du 18 courant à l’attention des caciques du Parti socialiste (Président de la République, Premier ministre, ministres et autres destinataires de mon courrier antérieur) sur les jugements d'un passé révolu, ayant comme objet, François Hollande, pour mémoire : « Antisémitisme, colonisation, esclavage, etc., la France a bon dos ! », dont j’attendrai encore sûrement longtemps la réponse.
Après ce long et nécessaire préambule, vous comprendrez d’autant mieux l'appréciation contraire que je porte sur votre article condamnant moralement Voltaire pour racisme, misogynie, homophobie, judéophobie et islamophobie, tout en le jugeant dans un contexte complétement différent avec notre mentalité droit-de-l’hommiste d’aujourd’hui – et ce, en toute hypocrisie ignorante de la réalité de notre nature humaine égoïste !
Vous-même êtes d’ailleurs conduit à dire de Voltaire : « Il aime l’argent et la gloire », en méconnaissant de la sorte que notre égoïsme humain, auquel personne n’échappe - ni vous ni moi et pas davantage les sept milliards d’humains d’aujourd’hui (inconscients et hypocrites inclus) -, se caractérise précisément par la triade, amour, argent et gloire, en quoi consiste réellement l’unité du genre humain, malgré des différences extérieures bien visibles qui font dire à Voltaire :
« Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les Blancs, les Nègres, les albinos, les Hottentots, les Chinois, les Américains ne soient des races entièrement différentes. »
En dépit d’une différence extérieure toujours observable, vous n’en condamnez pas moins Voltaire au nom du politiquement correct de notre époque, où d’aucuns sortent leur revolver lorsqu’ils entendent le mot « race », ce qui permet à certains, prétendument antiracistes, de se faire passer pour les bons, les gentils, les « vertueux », en dépit de faits contradictoires, observables ici et ailleurs sur la planète, dont les médias se font l’écho quasi-quotidiennement. C’est particulièrement le cas entre juifs et musulmans, des voisins incapables de s’entendre plus de soixante après la promulgation dudit catéchisme et en dépit de leurs propres catéchismes religieux qui prescrivent d’aimer son prochain – vous avez dit « racisme » ? ! OUI, comme on peut en juger en France même, où se produisent des actes antisémites de la part de musulmans, notamment ceux causés par Mohamed Merah.
Pour illustrer le sexisme de Voltaire, que vous dénoncez en le qualifiant de flagrant délit de misogynie pure et dure, malgré son souci de préciser « en général », lorsqu’il parle des femmes, vous citez l’extrait suivant du « Dictionnaire philosophique », dans lequel il parle ainsi de la femme en général :
« En général, elle est bien moins forte que l’homme, moins grande, moins capable de longs travaux ; son sang est aqueux, sa chair moins compacte, ses cheveux sont plus longs, ses membres plus arrondis, les bras moins musculeux, la bouche plus petite, etc. Ces caractères distinguent les femmes dans toute la terre, chez toutes les espèces, depuis la Laponie jusqu’à la côte de Guinée, en Amérique comme en Chine. »
Outre que cela corresponde à une réalité généralement observable - sauf à vous-même, évidemment d’établir le contraire -, il n’y a vraiment pas là de quoi fouetter un chat, au vu des propos suivants rapportés par Michel Onfray dans l’émission de France Culture du 23 courant, Contre-histoire de la philosophie, sur le thème, Déconstruction du deuxième sexe, Phénoménologie de la condition féminine.
Accrochez-vous bien, car Onfray énumère la longue liste des épithètes dus à Simone de Beauvoir, la féministe bien connue, parlant pourtant ainsi des femmes en général dans un article intitulé, Situation et caractère des femmes :
« Les femmes sont prudentes, mesquines, en retard, immorales, utilitaristes, menteuses, comédiennes, intéressées, conservatrices, communautaristes, réactionnaires, naïves, obéissantes, respectueuses, capricieuses, irrationnelles, religieuses, contradictoires, soumises, confuses, négatives, résignées, médiocres, petites, timides, paresseuses, frivoles, serviles, indolentes, bavardes, écrivassières, narcissiques, égoïstes, vaniteuses, susceptibles, méchantes, plaintives, manichéennes, odieuses, étourdies, dépensières… »
Il est assurément difficile de mieux faire, ou de faire pire, en matière de généralisation abusive, donc de discrimination. A ce propos, je me dois de souligner que la généralisation est un phénomène résultant de la constitution de notre cerveau, qui y est porté naturellement, faute de pouvoir se représenter autant d’images différentes qu’il y a de cas particuliers, et c’est pourquoi je doute fort que les jeteurs d’anathèmes se dispensent aussi de généraliser, en parlant respectivement des juifs et des musulmans..
Avant de terminer par vos autres griefs envers Voltaire, homophobie, judéophobie et islamophobie, comme vous lui avez fait aussi le reproche d’aimer la raison, outre l’argent et la gloire, je ne peux manquer de réagir très vivement sur un plan philosophique. En effet, reprocher à un philosophe d’aimer la raison, c’est le réduire au rang des métaphysiciens matérialistes et idéalistes, qui s’en soucient comme d’une guigne avec leurs élucubrations antiphilosophiques sur un éventuel commencement de notre monde – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire, mais nous reparlerons d’éternité, lorsque vous y serez disposé !
Pour réfuter votre accusation d’islamophobie envers Voltaire, je vais encore avoir recours à Spinoza, mais je vais dénoncer auparavant la confusion actuelle des censeurs d’aujourd’hui, confondant la légitime critique de la religion dans une république laïque, fut-ce l’islam, avec des attaques ad hominem contre leurs fidèles, et c’est pourtant là-dessus que prospère, depuis 1981, la gauche en général et le parti socialiste en particulier, comme vient de le confirmer l’élection de François Hollande, due pour une bonne part à la stigmatisation de l’islam.
Or, sans entrer ici dans le détail des problèmes du monde, directement liés à l’islam aujourd’hui sur les continents asiatique et africain notamment, Spinoza avait dénoncé la superstition musulmane bien avant et sans ambiguïté dans la lettre LXXVI à Albert Burgh, dont je cite le passage suivant, où il écrit :
« Je reconnais tout l’avantage de l’ordre politique qu’instaure l’Église romaine et que vous louez tant ; je n’en connaîtrais pas de plus apte à duper la foule et à dominer les âmes, s’il n’existait l’Église musulmane qui, de ce point de vue, l’emporte de loin sur toutes les autres ; depuis l’origine de cette superstition, aucun schisme en effet ne s’est déclaré dans cette Église. »
Il ne vous sera pas interdit, évidemment, d’opposer votre jugement contraire sur le fond, à savoir le dogme religieux et les pratiques toujours actuelles de l'islam (charia, fatwa, djihad, lapidation, amputation, etc.). Un "vrai" philosophe ne saurait en effet voler au secours de la superstition religieuse, ce qui suffit à établir que notre époque obscurantiste n'en connait aucun, comme en témoignent le silence et le refus de débattre de nos "philosopheurs" contemporains, André Comte-Sponville, André Glucksmann et Bernard-Henri Lévy notamment, dont j'attends toujours l'argumentation contraire. C'est pourquoi je passe sous silence votre couplet sur Mahomet, même s'il est très utile aux spadassins, dont vous parlez, pour réduire LA Vérité au silence, ce dont encore un "vrai" philosophe ne saurait se réjouir.
Je termine par votre passage sur l'homophobie, au nom de laquelle vous condamnez Voltaire, en le jugeant sur fondement uchronique, c'est-à-dire en appliquant le catéchisme universel contemporain à des jugements d'une époque révolue de plusieurs siècles, même si cette orientation sexuelle est toujours d'actualité.
Toutefois, contrairement à vos jugements, je ne porte aucun jugement moral, a fortiori de condamnations moralisatrices sur cette pratique, ce qui me m'empêche pas de réagir, lorsque vous vous offusquez de l'expression "contre nature", qu'il utilise.
Pour en juger valablement et estimer si elle est contre nature ou non, demandez-vous seulement, si vous seriez de ce monde, dans l'hypothèse où cette pratique aurait été adoptée par la quasi-totalité des humains depuis l'époque de la Grèce antique, quand n'existait pas la fécondation in vitro de notre époque dite moderne. Nous serions assurément bien loin des sept milliards d'humains d'aujourd'hui, mais ne nous en porterions pas forcément plus mal, à en juger par le devenir chaotique de notre monde.
En conclusion, pour étayer les arguments sommairement exposés dans ce courrier, je joins mon texte fondateur, VÉRITÉ éternelle absolue versus mensonges et lâcheté des élites du XXIe siècle, qui devrait largement suffire pour donner lieu à votre éventuelle argumentation contraire, intellectuellement et philosophiquement étayée, sur des points très précis de désaccord – sauf à vous récuser, évidemment, le statut de philosophe.
Dans l'éventualité de votre réponse, je vous remercie de votre attention et vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations philosophiques, laïques et républicaines, sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire.
Annexe : Texte,VÉRITÉ éternelle absolue versus mensonges et lâcheté des élites du XXIe siècle