Le Gouvernement vient de publier un nouveau volet réglementaire de cette réforme de l’évaluation environnementale au moyen du décret n° 2012-995 du 23 août 2012 « relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme ». Un texte particulièrement important qui emporte des conséquences très concrètes, non seulement pour la planification du territoire mais aussi pour les projets eux-mêmes. Pour mémoire, le Gouvernement avait déjà publié le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 « portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements » ainsi que le décret n° 2012-332 du 7 mars 2012 « relatif aux instances de suivi de la mise en œuvre de mesures environnementales concernant certaines infrastructures linéaires soumises à étude d'impact ».
Outre ces décrets relatifs à la réforme de l’étude d’impact, notons également le décret n°2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement. Ce dernier avait été pris pour l'application des articles 232 et 233 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement. Il avait plus précisément pour objet de fixer le régime de l'évaluation environnementale des plans et documents à vocation environnementale. Le Grenelle poursuit donc sa route et continue de produire des changements pour le droit de l'environnement. Ce décret du 23 août 2012 a en effet été pris pour l'application des articles 16 et 23 de la loi "Grenelle 2" n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.
Ce décret est important en ce qu'il nous met sur la voie d'une évaluation environnementale stratégique, ce qui est dans l'intérêt tant de la protection de l'environnement que du développement des projets industriels ou d'infrastructures. L'évaluation environnementale projet par projet a des limites. Prendre du recul, s'élever à l'échelle d'un territoire plus vaste - la région par exemple - permet d'avoir une vision plus globale de l'environnement mais aussi de débattre du caractère acceptable de telle ou telle industrie ou politique de transport, d'aménagement du territoire, d'urbanisme, susceptible d'avoir une incidence environnementale.
Loin de ne concerner que les collectivités territoriales et les élus locaux, tous les Maîtres d'ouvrage doivent impérativement mettre à jour leurs connaissances sur cette nouvelle étape de la réforme de l'évaluation environnementale et maîtriser ces nouvelles règles, au même titre qu'ils doivent avoir intégré les nouvelles exigences d'élaboration des études d'impact. Un exemple : les études d'impact élaborées pour un projet en particulier devront bien entendu s'articuler et être cohérentes avec les documents d'évaluation environnementale conçus lors de l'élaboration de documents d'urbanisme. Une éventuelle incohérence entre ces deux niveaux d'évaluation environnementale serait une source d'insécurité juridique.
Enfin, notons que cette réforme de l’évaluation environnementale a pour principale conséquence de rapprocher considérablement les législations urbanisme et environnement et à réduire un peu plus encore le principe d’indépendance de ces deux législations. Il devient en effet très difficile de nier que l’urbanisme ne produirait pas de conséquence écologique et que l’acte de construire pourrait être isolé de considérations environnementales.
Quelles sont les conditions d’entrée en vigueur du décret du 23 août 2012 ?
Le décret du 23 août 2012 précise que ses dispositions entreront en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa publication. Ce décret a été publié le 25 août 2012 et devrait donc entrer en vigueur le 26 janvier 2013. Le décret précise quel sera alors le sort des procédures en cours à cette date. Ainsi, les nouvelles dispositions des R. 121-14 et R. 121-16 du code de l'urbanisme s'appliqueront :
- à la déclaration de projet emportant la mise en compatibilité du schéma directeur de la région d'Ile-de-France, d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un plan local d'urbanisme et procédant, le cas échéant, aux adaptations nécessaires d'un règlement ou d'une servitude mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme, lorsque la réunion conjointe des personnes publiques associées n'a pas encore eu lieu à la date d'entrée en vigueur du présent décret ;
- à l'élaboration ou à la révision d'un plan local d'urbanisme, lorsque le débat portant sur le projet d'aménagement et de développement durables n'a pas encore eu lieu à la date d'entrée en vigueur du présent décret ;
- à l'élaboration ou à la révision d'une carte communale, lorsque l'enquête publique n'a pas encore eu lieu à la date d'entrée en vigueur du présent décret.
Quels sont les documents d'urbanisme qui doivent désormais faire l'objet d'une évaluation environnementale ?
Aux termes du nouvel article R.121-14 du code de l'environnement, certains documents d'urbanisme devront toujours faire l'objet d'une évaluation environnementale lors de leur élaboration. Il s’agit de :
1° Les directives territoriales d'aménagement et de développement durables
2° Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France
3° Les schémas d'aménagement régionaux des régions d'outre-mer prévus à l'article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales
4° Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse prévu à l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales
5° Les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteur et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux comprenant les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale dans les conditions prévues à l'article L. 123-1-7
6° Les plans locaux d'urbanisme intercommunaux qui tiennent lieu de plans de déplacements urbains mentionnés à l'article L. 1214-1 du code des transports
7° Les prescriptions particulières de massif prévues à l'article L. 145-7
8° Les schémas d'aménagement prévus à l'article L. 146-6-1
9° Les cartes communales dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000.
Les PLU devront-ils également faire l’objet d’une évaluation environnementale ?
Le régime juridique de l'évaluation environnementale des plans locaux d’urbanisme est assez complexe. Il convient de distinguer selon que l'évaluation est requise dans tous les cas pour certains PLU, ou, pour d'autres, requise au cas par cas. Ainsi, aux termes du nouvel article R.121-14 du code de l'environnement, certains PLU mais pas tous, feront l'objet d'une évaluation environnementale systématique :
1. Les plans locaux d'urbanisme dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000
2. Les plans locaux d'urbanisme couvrant le territoire d'au moins une commune littorale au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ;
3. Les plans locaux d'urbanisme situés en zone de montagne qui prévoient la réalisation d'une unité touristique nouvelle soumise à autorisation en application de l'article L. 145-11."
Ce sont ainsi les projets de PLU concernées par les législations Natura 2000, montagne ou littorale qui seront appelés à toujours être précédés d’une évaluation environnementale.
A l'inverse, ce même article R.121-14 du code de l’environnement dispose que certains PLU ne feront l'objet d'une évaluation environnementale qu'au "cas par cas" : les PLU qui ne sont pas soumis à une évaluation environnementale systématique mais qui sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement au sens de l'annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 du Parlement européen et du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement
Ajoutons que les cartes communales de communes limitrophes d'une commune dont le territoire comprend en tout ou partie un site Natura 2000, s'il est établi qu'elles sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés.
Comment est organisée la procédure "cas par cas" ?
Je suis assez réservé sur l’utilité d’avoir créé une nouvelle procédure. Plus les procédures sont nombreuses, plus elles sont complexes et plus le risque juridique est élevé, plus le risque d’annulation par le Juge administratif est grand. En réalité, rares seront les PLU susceptibles de n’avoir aucune conséquence environnementale sauf à adopter une appréciation particulièrement restrictive du terme « environnemental ».
Toujours est-il que le décret du 23 août 2012 introduit un nouvel article R. 121-14-1 du code de l’environnement ainsi rédigé précise quelle est l’autorité compétente pour statuer au cas par cas sur la nécessité d’une évaluation environnementale, soit d’un PLU soit d’une carte communale. Ce même article indique également à quel stade d’élaboration du projet de PLU ladite autorité doit être saisie :
1. Soit après le débat relatif aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables pour l'élaboration ou pour la révision d'un plan local d'urbanisme portant atteinte aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables ;
2. Soit à un stade précoce et avant l'enquête publique pour l'élaboration ou la révision d'une carte communale ;
3. Soit à un stade précoce et avant la réunion conjointe des personnes publiques associées dans les autres cas.
Le nouvel article R. 121-14-1 du code de l’environnement précise également le contenu du dossier par lequel l’autorité compétente est saisie d’une demande « cas par cas ». Les informations suivantes doivent lui être adressées :
1. une description des caractéristiques principales du document ;
2. une description des caractéristiques principales, de la valeur et de la vulnérabilité de la zone susceptible d'être touchée par la mise en œuvre du document ;
3. une description des principales incidences sur l'environnement et la santé humaine de la mise en œuvre du document.
A réception de ces documents, l’autorité compétente doit décider d’une soumission ou non du document d’urbanisme dont elle est saisie. A noter : la consultation est réputée réalisée en l'absence de réponse de l'autorité consultée dans un délai d'un mois à compter de sa saisine par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement.
Le décret précise en outre qu’en cas d'urgence, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement peut réduire ce délai sans que celui-ci puisse être inférieur à dix jours ouvrés. Il convient cependant de distinguer la consultation de la décision. Pour ce faire, l’autorité saisie dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception des informations requises.
La décision doit être motivée, publiée sur internet et jointe, le cas échéant, au dossier d’enquête publique. A défaut de décision, la personne publique responsable doit réaliser une évaluation environnementale. Il est probable que cette décision, de soumettre ou non un document d’urbanisme à évaluation préalable, puisse faire l’objet d’un recours contentieux.
Quelle est l’autorité en charge du contrôle de l’évaluation environnementale ?
Aux termes de l'article 3 du décret du 23 août 2012, un nouvel article R.121-15 du code de l'urbanisme précise que l’autorité compétente pour statuer sur l’évaluation environnementale d’un projet, soit lors de son élaboration, soit en cas d’évolution, est :
1. La formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, pour les documents mentionnés aux 1° à 3° et aux 7° et 8° du I de l'article R. 121-14 ;
2. Le préfet de Corse, pour le document mentionné au 4° du même I ;
3. Le préfet de département, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme ;
4. Le préfet de région pour les cartes communales.
Comment est organisé le contrôle de l'évaluation environnemental des documents d'urbanisme ?
Aux termes de l’article 3 du décret du 23 août 2012 (art. R.121-15 du code de l’urbanisme) dispose que l’autorité compétente est saisie par la « personne publique responsable » du projet de document d’urbanisme. Elle dispose alors d’un délai de trois mois pour rendre un avis – publié sur internet - sur le projet d’évaluation environnementale à l’intérieur duquel elle sera amenée à consulter l’administration en charge de la santé. En l’absence d’avis « l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement est réputée n'avoir aucune observation à formuler. Une information sur cette absence d'avis figure sur son site internet. »
Quand est réalisée l'évaluation environnementale d'un document d'urbanisme ?
L’évaluation environnementale d’un document d’urbanisme n’est pas réalisée qu’au cours de sa première élaboration. Ce document va évoluer, être révisé ou modifié. L'article 4 du décret du 23 août 2012 introduit un nouvel article R.121-16 du code de l'urbanisme qui précise à quels instants de la « vie » du document d’urbanisme, cette évaluation environnementale doit être réalisée ou renouvelée. L’article R.121-16 du code de l’urbanisme précise désormais qu’une évaluation environnementale est réalisée, par exemple, à l’occasion d’une procédure de modifications, révisions et déclarations de projet relatives aux documents d'urbanisme mentionnés au 1° de l'article L. 121-10 (DTADD, schéma directeur de la région d'Ile-de-France, SCOT, schémas de secteur, prescriptions particulières de massif prévues à l'article L. 145-7.) Les modifications et révisions de certains PLU et cartes communales sont également concernées.
Quel est le contenu du rapport environnemental ?
Aux termes de l’article 5 du décret du 23 août 2012, les documents d’urbanisme doivent comporter désormais un rapport lequel comprendra les informations suivantes :
1° Une présentation résumée des objectifs du document, de son contenu et, s'il y a lieu, de son articulation avec les autres documents d'urbanisme et les autres plans et programmes mentionnés à l'article L. 122-4 du code de l'environnement avec lesquels il doit être compatible ou qu'il doit prendre en compte ;
2° Une analyse de l'état initial de l'environnement et des perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en œuvre du document ;
3° Une analyse exposant :
a) Les incidences notables probables de la mise en œuvre du document sur l'environnement;
b) Les problèmes posés par l'adoption du document sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 ;
4° L'exposé des motifs pour lesquels le projet a été retenu au regard des objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national et les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du document ;
5° La présentation des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du document sur l'environnement ;
6° La définition des critères, indicateurs et modalités retenus pour suivre les effets du document sur l'environnement afin d'identifier, notamment, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées ;
7° Un résumé non technique des éléments précédents et une description de la manière dont l'évaluation a été effectuée.
A noter : le code de l’urbanisme prévoit déjà que certains documents d’urbanisme doivent être accompagnés d’un rapport de présentation, dans ce cas, il n’est pas exigé d’y ajouter un rapport environnemental, dont le contenu sera en réalité inséré dans le rapport de présentation déjà imposé. Il en va ainsi :
- pour les SCOT (article R.122-2 du code de l'urbanisme)
- pour les PLU (art. R.123-2-1 du code de l'urbanisme)
- pour les cartes communales (article R.124-2 du code de l'urbanisme
- pour les DTADD et les prescriptions particulières de massif (article R.111-28 du code de l'urbanisme)
- pour le schéma directeur d’Ile de France (article R.141-1 du code de l'urbanisme)