Une famille pas comme les autres...
Il est de ces livres qui vous arrachent un fou rire totalement incontrôlé très peu seyant dans un lieu public. Vous essuyez deux trois coups d’œil intrigués, et votre voisin de strapontin zyeute avec une discrétion plus que douteuse sur votre page, avant de lorgner sur la couverture du livre, la tête à demi penchée et les yeux qui louchent.Ca m’est arrivé ce matin, alors que je terminais mon Tante Mame, lors d’un passage particulièrement rocambolesque.
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Parce que Tante
Mame a ce pouvoir, ce pouvoir que peu de livres possèdent : celui
de m’arracher un rire, à moi. Car je n’ai point le rire facile, figurez-vous,
et je le déplore. J’aime ces gens qui déploient joyeusement leurs cordes
vocales dès qu’un événement les fait sourire. C’est contagieux, ça met tout le
monde de bonne humeur et ça décrasse les poumons. Bref, moi qui suis toute en
retenue et en petits rires de souris, il est rare que je lâche un rire en
public, et c’est là la force de Tante Mame : elle est hilarante !
C’est donc une
honte que ce roman, phare dans la culture populaire américaine depuis les
années 50 (des comédies musicales à la pelle, un film, et des rééditions à gogo !),
ne sorte qu’aujourd’hui en France. Il a en fait été écrit par Patrick Dennis, de son vrai nom Edward Everett Tanner, en 1955.
Le
personnage de Patrick Dennis est en fait le narrateur du roman, en train de
lire un article de journal qui fait l’éloge d’une femme célibataire ayant
recueilli un bébé abandonné au pied de sa porte et l’ayant élevé comme le sien
de façon exemplaire.
Cet article fait remonter les souvenirs de Patrick, qui
nous raconte la vie tout aussi palpitante avec sa Tante Mame, laquelle le prit
sous sa tutelle après le décès de son père quand il avait 7 ans. Tante Mame est
un personnage que l’on n’oublie pas : un visage de déesse, un corps de
liane, et surtout une grande gueule. Mondaine, cultivée, touche-à-tout avec des
idées avant-gardistes, Tante Mame est riche et profite de son pactole pour
organiser de mémorables soirées avec la crème de la crème New-Yorkaise. Tante
Mame, c’est aussi un caractère bien trempé, et l’art de la démesure !
Patrick Dennis raconte donc les histoires de Tante Mame de son enfance jusqu’à sa vie d’adulte, toujours incroyables, extravagantes et délicieusement irrévérencieuses, comme lorsqu’elle décida de le placer l’espace d’un temps dans une école « absolument mixte » et « révolutionnaire » où les cours sont donnés nu sous des rayons ultraviolets, ce qui aurait pour effet de « réduire les tensions psycho-sexuelles » des enfants.
«On y utilisait également nombre de mots nouveaux pour moi, et à la fin de l'été, mon vocabulaire s'était notablement enrichi. Je possède toujours certaines de ces listes de vocables étranges, glanés au cours des soirées avec Tante Mame. L'une d'elles, en date du 14 juillet 1929, comporte des termes aussi variés que : prise de la Bastille, lesbienne, Hotsy-Tosty Club, guerre des gangs, daiquiri- que j'avais mal orthographié- relativité, amour libre, complexe d'Oedipe- encore une faute-, mobile, rétamé - et à partir de là mon orthographe s'affole complètement-, narcissique, Biarritz, psychonévrotique, Schoenberg, nymphomane. »
La force de Tante Mame, c’est aussi de s’inscrire sur une histoire américaine de plus de vingt ans. Au fil de la croissance de Patrick, on suit aussi la vie à New-York lors de la prohibition, le crash boursiers de 1929 et ses retombées, les années folles et les répercussions de la seconde guerre mondiale sur la vie de chacun. Pendant ce temps, Tante Mame peine à prendre une ride («Elle annonça qu'elle jouait franchement la carte de la Quarantaine épanouie, alors qu'elle avait, non moins franchement, cinquante ans, et s'étendit longuement sur la généreuse saison des moissons, dans la vie d'une femme. »), et reste fraîche et tout aussi pétulante, parfois au grand dam de Patrick, qui adore sa tante, mais rêverait parfois d’une vie plus traditionnelle.
Et aujourd’hui, même le texte n’a pas pris une ride. L’écriture de Dennis, son humour tour à tour en subtilité ou en phrases chocs est tout simplement désopilante. Je crois que tout est dit, pour mieux comprendre Tante Mame, il faut la lire, ou bien, si un jour ça passe en France, sur les planches de théâtre : ça doit être un vrai bonheur.
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