Journaliste américain, Donald Morrison a publié, en 2008, un essai fracassant intitulé « Que reste-t-il de la culture française ?». Quel bilan fait-il quatre ans plus tard et que pense-t-il d'Aurélie Filippetti, nouvelle ministre de la culture ? Entretien choc.
Propos recueillis par Didier Laurens.
Publié en collaboration avec Le Cri du Contribuable.
Donald Morrison, journaliste américain
Journaliste américain, Donald Morrison a publié, en 2008, un essai fracassant intitulé « Que reste-t-il de la culture française ?». Nombrilisme, perfusion financière, refus de voir les fonds privés soutenir la création, il confirme la marginalisation de la culture française et redoute que le grand retour des socialistes n’assombrisse encore le tableau…
-- Vous avez publié un essai désacralisant le rôle de la culture française voici quatre ans. Quel bilan dressez-vous aujourd’hui ?
En 2008, j’ai écrit que la culture française n’occupe plus le rôle majeur qu’elle a notamment joué durant le XIXe siècle et la première partie du XXe. Aujourd’hui, je ne constate pas de changement majeur même si le fait que votre culture doive gagner en audience planétaire est certainement mieux compris que par le passé.
-- Que pensez-vous de la nouvelle équipe qui vient d’entrer au ministère de la Culture ?
Il est trop tôt pour juger mais votre nouveau ministre de la Culture m’inquiète. Avant d’être nommée à la direction de la rue de Valois, Aurélie Filippetti s’est déclarée allergique aux partenariats entre le public et le privé en matière de culture. Elle a, par exemple, dit que voir le nom d’une société privée en façade lors d’une manifestation culturelle la chagrinait.
Quelle erreur ! L’Europe connaît une crise budgétaire sans précédent et pour sauver sa culture, elle doit au contraire multiplier les partenariats, encourager le mécénat, comme cela se fait partout ailleurs !
-- La culture française vous semble-t-elle trop subventionnée ?
Beaucoup trop ! Vous êtes les recordmen du monde. Aux États-Unis, les subventions publiques représentent une fraction minuscule des sommes allouées à la culture contre une majorité en France où l’on considère, toutes tendances politiques confondues, qu’elles doivent représenter environ 1% du PIB.
Le système français fait vivre 11 000 fonctionnaires et l’État nomme les directeurs de théâtres, d’orchestres, de certains médias audiovisuels, etc. Ce n’est pas son rôle !
L’erreur est de considérer que la culture est un service public. La France devrait faire pour la culture ce qu’elle a fait pour ses universités : lui donner plus d’autonomie, favoriser sa décentralisation.
-- Vous séjournez en Europe depuis longtemps. Quels sont les systèmes de financement de la culture qui vous semblent intéressants à suivre sur le Vieux Continent ?
Le système en vigueur au Royaume-Uni présente des avantages. Les Britanniques ont notamment mis au point un système de loterie performant qui leur permet d’injecter des dizaines de millions de livres dans la culture, sans que cela coûte un sou aux contribuables. Une partie des sommes non redistribuées aux parieurs est affectée à la filière culturelle.
Au final, les fonds d’origine privée et ceux fournis par l’État s’équilibrent à environ 50/50.
Le même système est utilisé par certains États américains, où l’on peut aussi acheter, très cher, des plaques d’immatriculation spécifiques dont le produit est réservé à la culture. Ailleurs en Europe, comme en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Suisse, la baisse des subsides publics est compensée par la recherche systématique de partenariats avec le privé. C’est la bonne solution.
À cette aune, la France et sa culture d’État sont le pire modèle possible.
-- Le déclin de la culture française vous semble-t-il réversible ?
La France cumule plusieurs handicaps : le français n’est plus une langue globale et Paris n’est plus une place de référence pour le marché de l’art.
Ce rôle lui a été ravi par Londres, New York et, de plus en plus, par des villes asiatiques comme Pékin, Shanghai, etc. De plus, la culture française est nombriliste. Elle abonde en œuvres, notamment pour le cinéma ou la littérature, qui n’intéressent personne en dehors de l’hexagone et très peu de monde à l’intérieur.
Pour gagner en reconnaissance globale, les artistes français doivent se frotter au reste du monde et non plus se calfeutrer chez eux, abrités par la ligne Maginot des subsides publics. Comme cela a, par exemple, été le cas après la Première Guerre mondiale ou après la Seconde, la France aurait avantage à accueillir des artistes étrangers pour accroître son rayonnement. Si elle ne le fait pas, elle perdra à tout jamais sa culture de première classe
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Sur le web
Donald Morrison vient de publier « Comment Obama a perdu l’Amérique » (Denoël).