À une époque marquée par la généralisation de l’usage des réseaux sociaux et par une grande variété des vecteurs de communication vers le grand public, les réputations publiques ou privées peuvent se faire et se défaire avec une rapidité déconcertante : l’image d’une entreprise, en particulier, est susceptible d’être affectée par n’importe quel événement en temps réel, qu’il s’agisse d’une situation de crise ou au contraire d’un buzz positif lancé intentionnellement. La Detroit Bus Company, qui gère les transports en commun de cette grande ville du Michigan, avait fort à faire pour rattraper les dégâts causés auprès de l’opinion par une réduction drastique des itinéraires et horaires, due essentiellement à de fortes restrictions budgétaires. Une nouvelle opération de charité publique est donc lancée en son nom : chaque ticket acheté entraînera la remise gracieuse d’un autre ticket à un citoyen dans le besoin n’ayant pas les moyens de le payer.
La compagnie de bus, si elle reconnaît ne pas être en mesure de décrocher un emploi pour chaque chômeur de cette région particulièrement sinistrée des Etats-Unis, entend au moins « <i>redonner un semblant de fierté au guerrier du quotidien</i> », qui lutte avec les moyens du bord pour se déplacer en ville sans voiture et aller d’un entretien d’embauche à un autre. L’achat d’un pass valable une journée, d’un montant de cinq dollars, donne donc droit à un autre ticket équivalent pour les plus démunis.
Ces derniers sont recensés et sélectionnés de plusieurs manières : en premier lieu, les utilisateurs habituels du réseau peuvent librement signaler à la compagnie l’identité d’une personne qu’ils souhaiteraient aider d’une manière concrète. Les candidats eux-mêmes peuvent se manifester au siège de la société ou via un formulaire sur le site Internet. Les dossiers sont examinés par la Detroit Bus Company, qui étudie la faisabilité des demandes en fonction des horaires et itinéraires demandés.
À supposer que la demande soit réalisable, tout est ensuite mis en œuvre pour agrémenter le trajet et surtout réconforter les personnes concernées : le bus reste un moyen de transport très dévalorisé en Amérique du Nord, et les passagers, qu’ils aient payé le billet ou non, sont désormais accueillis avec du café chaud et des donuts pour retisser un semblant de lien social.
L’action de charité a toujours été une valeur sûre pour les entreprises désireuses de redorer leur blason. Nul doute que de nombreuses sociétés suivront le mouvement jusqu’en Europe en ces temps de crise généralisée.