Le 18 juillet s’est tenue une Table Ronde proposée par l’association Île-de-France Design (dont Go2prod est membre fondateur) autour du sujet des différences d’approches culturelles dans la démarche et les outils du design.
Intervenants :
* Samuel Locus, de nationalité Belge, est architecte au sein du pole réalisation export de Valode et Pistre. Il a notamment travaillé pour les programmes Gare de Liège, Beaugrenelle…
* Clément Bataille, après avoir fondé l’agence de design Absolut, est entré chez Orange pour monter le centre de design dédié à l’innovation de rupture, la cocréation, les nouveaux territoires de business ; son équipe comprend 60 personnes.
Présentation par Samuel Locus du thème de la « French touch » et des caractéristiques du design français
Avant toute chose, comment définir ce qui constitue une « touch » ?
- Elle est issue d’influences. Pour la France ces influences sont extrêmement larges et riches, pouvant aller jusqu’à l’art égyptien antique, et marquées par des grands noms comme l’architecte Le Corbusier, etc..
- Elle rassemble autour de valeurs communes.
- Elle est issue de connaissances et de capacités techniques spécifiques, le meilleur exemple étant les grands travaux des années 80 lancés par François Mitterrand, qui reposaient sur un savoir-faire avancé dans le béton, et qui ont eu un important impact mondial. En France la connaissance du béton et des matériaux découpés au laser sont une forte marque de fabrique.
- elle propose une façon de représenter les choses, les fonctions. Le centre Pompidou est remarquable à cet égard. La caractéristique française est que l’approche théorique y très forte, on pourrait même la qualifier d’intellectualisée.
Par ailleurs construire en France est particulier : les architectes délèguent beaucoup aux entreprises.
On peut citer comme exemples emblématiques de cette « french touch » :
- le cube de béton et d’acier réalisé par Jean Nouvel pour l’exposition Suisse Expo 02
- la lampe Sammode Kelvin : une lampe à la finition remarquable, tout en conservant un aspect brut, et faisant montre d’un souci du détail.
Une question reste ouverte : est-ce que ce sont ceux qui ne sont pas français qui ont la plus belle vue de la french touch ?
Intervention de Clément Bataille
La profession de design en France compte environ 33.000 personnes… Il manque cependant une culture du design en France, et cela a pour conséquence des freins importants, notamment en ce qui concerne la perception des couts liés.
En conséquence, les entreprises françaises viennent généralement au design suite à la demande de clients, ou sous la pression de la concurrence.
Finalement nous ne sommes pas si différents que cela des autres pays, la différence se fait dans la façon de communiquer sur le design : Nous sommes un pays « normal !…
… Et c’est probablement la bonne manière d’aborder le sujet : il n’y a pas ou plus du point de vue de Clément Bataille de french touch.
Pour parler plus concrètement des TIC, la France a longtemps montré la voie dans le numérique. Dans le cas du Minitel, c’est tout le système qui a été designé, incluant le 3615… Cela fait penser à l’écosystème construit par Apple : iTunes / iPhone / contenus…
Le problème est que nous sommes convaincus en tant que français de notre supériorité, en nous targuant de réussites comme le TGV, et que cela nous empêche d’avancer.
Cela ferait du bien de penser normal pour repartir sur de bonnes bases et évacuer les problèmes d’ego…
Orange a organisé un concours de design auprès de 5 écoles internationales. 2/3 des étudiants étaient étrangers, il n’y avait pas de particularité culturelle notable chez les participants français…
Echanges avec le public
Pour brosser à grand traits les particularismes nationaux :
- les Italiens sont dans le style, et l’assument sans complexe,
- les Allemand sont axés sur le développement durable ou responsable,
- les anglais ont une forte caractéristique sur le graphisme,
- le particularisme de la France serait-il de faire des grands discours ?
Voir la tribune de James Dyson : La France doit renouer avec sa tradition de grands inventeurs
Les Maux du design en France selon Clément Bataille :
- la perception du mot ‘design’ est complètement galvaudée (c’est le seul pays où c’est le cas)
- il y a sur-médiatisation d’une certaine catégorie de design, ce qui ne serait pas grave s’il y avait beaucoup de canaux de communication spécialisée, mais en France ils sont très peu nombreux…
- le discours est centré sur le créateur et non sur le résultat, or les entreprises ont besoin de preuves, et non de discours : notre capacité d’abstraction nous joue des tours (elle peut être un outil puissant, mais est élitiste et déconnectée des réalités de l’entreprise : les Français sont sur l’intention, le génie créatif ; les anglais, eux, apportent des preuves !)
- en France les structures sont très hiérarchisées, cela peut poser un problème (cf. le terminal de Roissy Charles de Gaulle, où personne n’a osé faire remonter à la hiérarchie les faiblesses structurelles du bâtiment, qui se sont soldées par un accident). d’autre part, le design est souvent rattaché au marketing alors qu’il aurait intérêt à être managé en direct par la direction générale.
- il y a un problème de langage vis à vis de l’entreprise : le design est un métier d’empathie, et les designers ne savent pas assez se mettre en empathie avec l’entreprise…
- en France le design est communiqué par des designers pour des designers.
On peut néanmoins être confiant : ces maux sont facile à changer :
- le message passe doucement auprès des journalistes et leaders d’opinion.
- il y a au sein du gouvernement des acteurs qui connaissent le design
- l’exemple doit passer par les grosses entreprises, l’état, les collectivités (cf. La communication faite sur un créateur au détriment de l’offre)
- On peut estimer que le message du design passera par les chantiers de la recyclabilité, du développement durable…
Il existe une spécificité française (ce qui comme précédemment évoqué fait tant sa force que sa faiblesse) sur l’approche sociologique, les sciences humaines, du fait d’un contexte culturel riche.
Intervention de Didier Saco : la question serait plutôt : « Y a-t-il un design français achetable? » car le modèle économique français est difficilement transposable à l’international…
Merci à tous, participants et intervenants, pour cette table ronde riche en échanges et à très bientôt !
Rédacteur : François-Xavier Faucher
Présentation de l’association IF Design
L’association a pour objectif la promotion de la démarche et des outils du design sur Paris et sa région et travaille plus précisément à :
- Regrouper des professionnels qui agissent selon une déontologie partagée quant à la mise en œuvre de la démarche et des outils du design ;
- Mettre en avant un design spécifiquement issu de l’Île-de-France ;
- Assurer un flux d’informations exhaustif et régulier pour chacun des membres de l’association, sur l’ensemble des évènements ayant trait au design.
En partenariat avec le Club Design & Innovation du réseau des diplômés de l’ESSCA
Cet article a également été publié sur le blog de l’association.