KNUD VIKTOR
LE LUBÉRON À L'ÉCOUTE
CES 2012 - 17 août - Saline royale D'Arc-et-Senans (25)
Knud Viktor par Yvan Etienne et. Michel Giroud
En ce jeudi 17 août s'entame le deuxième congrès mondial de l'écologie sonore dans la magnifique Saline royale d'Arc et Senans en Franche-Comté. Nous entrons dans le vif du sujet, au cœur des sons, l'oreille aux aguets.
Après une rapide présentation des participants, qui montre néanmoins la diversité des intervenants, curieux et passionnés présents ce soir là, le congrès va très vite entamer une série de rencontres prometteuses. Architecte, créateur sonore, acousticien, musicien, compositeur, plasticien sonore, création radiophonique, pédagogie, musique des lieux, patrimoine immatériel, pédagogie, programmation, peinture orale, poésie, aménagement... Ces quelques mots tirés de la présentation illustrent les ouvertures que ces rencontrent augurent.
La première présentation sera assurée par un binôme d'artistes chercheurs enseignants / Le bouillonnant Michel Giroud et le plus posé Yvan Etienne, qui nous parlerons d'un artiste que l'on pourrait qualifier de hors normes, en la personne de Knud Viktor.
Peintre, d'origine danoise, ce dernier s'est installé dans le Lubéron il y a déjà de nombreuses années, pour retrouver, sur les traces de Van Gogh, la célèbre lumière de Provence. Il y sera fasciné par la vie sonore ambiante, notamment celle des cigales, jusqu'à en devenir un peintre sonore, comme il se définit lui-même.
Artiste du décalage, quasi ermite, l'oreille sans cesse en alerte, poète sauvage et incompris de beaucoup, Knud s'efforcera de garder la trace d'un Lubéron bien à lui, et que les politiques locaux auront du reste bien du mal a comprendre, et à accepter en l'état. Ce "naturaliste élargi" filmera, dessinera et enregistrera moult éléments naturels, sonorités avec lesquels il vit au quotidien, mais que personne n'avait jusque là entendu, et encore moins écouter. Les pas de fourmis, le lapin qui rêve et les vers dans la pommes ne constituant que quelques exemples emblématiques de ses capatations. Il fera pour cela des observations et des prises de son sur de très longues durées, dormant et mangeant peu, oiseau de nuit, pour saisir la finesse et la profusion de la vie nocturne. Il créera au fil des année une œuvre décalée, coupée des tendances et des courants artistiques de son époque, au style unique, maniant des plans séquences étirés, montages audio sans concession. IL montrera et surtout fera entendre ainsi SON Lubéron, à la fois pétri de touches réalistes, mais avec avec un recul et une vision très personnel, imaginative, propre à l'artiste. L'auditeur fasciné entrera notamment sans des "visions sonores" au gré de boucles calmes et insistances, parfois entêtantes et hypnotiques. Jamais ou peu de fois Knud ne rencontrera des artistes contemporains, y compris ceux qui habitent tout près de chez Lui. il restera et reste encore pour beaucoup une énigme vivante et fascinante, que nos deux présentateurs ont pourtant approché; pour différentes raisons. L'un deux parlera, suite à ses croisement avrec notre peintre sonore, de non rencontre, de non communication, non seulement à l'échelle d'un artiste, du Lubéron, mais aussi d'un pays entier qui peine à croiser les différentes énergies créatrices.
Différentes vidéos et enregistrements illustrent l'œuvre de Knud Viktor. On prendra comme exemple une sorte d'œuvre dans l'œuvre, work in progress, celle de La Chambre d'images. Nous avons à faire ici à une installation immersive et muette, constituée d'images naturelles, en gros plans, sur de longues durée, plaçant le spectateur entouré de trois grands écrans dans une situation hypnotique, perdant peu à peu ses repères spacio-temporels. Travail microcosmique, sans traitement, je cite les présentateurs. Knud Viktor vit, au fil des saisons, les variations, les modulations du Lubéron, il les pressent, les anticipe même, es raconte et les retraduis par le dessein, la caméra et le micro. Le départ et l'arrivée de nouvelles cigales, le changement des saisons n'ont plus de secrets pour lui.
Knud Viktor est un terrien, un vrai...
Dépossédé d'une œuvre à son insu "le voile d'araignée" , par une institution politique locale, qui fera de cette dernière une communication touristique, l'artiste deviendra méfiant, quasi parano, entendant des sons à lui partout. Il ne diffusera plus de CD (il en a en fait commis 3) et tentera de restituer ce Voile d'araignée tel qu'il aurait voulu le montrer.
Knud Viktor s'est créé, avec le Lubéron comme complice, une zone expérimentale inédite et inouïe, déconnecté de son temps, perdu au fin fond de montagnes sauvages qu'il ne cesse d'explorer et de retranscrire, sans grands moyens techniques ni financiers. Au-delà de sa propre création, Knud Viktor a bel et bien une démarche écologique. Il connaît la vie intime de ce qu'il filme et enregistre, il la grave dans une mémoire tout à la fois empreinte de strictes observations, mais aussi patinée de sa vision, de son imaginaire d'artiste fortement impliqué dans un paysage omniprésent.
Cette présentation très éclairante et vivante sur un artiste phare et néanmoins méconnu sera "perturbée" de micros interventions de musiciens du RES (Réseau d'Environnement Sonore), organisateur du congrès. Ces petites pièces vocales/instrumentales viendront résonner en contrepoint au discours, nous ménageant de sympathiques respirations, elles aussi parfois un brin décalées, pour que nous replongions sitôt après dans l'univers artistique de notre Peintre sonore.
Un petit regret néanmoins, j'aurais aimé entendre quelques pièces animalières de Knud Viktor, de celles qui ont marqué le travail de l'artiste en faisant découvrir par exemple le rêve d'un lapin endormi...