DECRYPTAGE RELATIO, par Sandrine KAUFFER
Deux candidats sont en piste. Silvio Berlusconi, surnommé « Il cavaliere », a une longueur d’avance. Son poursuivant Walter Veltroni a choisi de miser sur son image personnelle et de faire « cavalier seul ». Entre le surprenant Veltroni et l’imprévisible Berlusconi, qui est le candidat de la rupture en Italie ?
Parti en campagne avec plus de quinze points de retard dans les sondages face à Silvio Berlusconi, le candidat du jeune Parti démocrate (PD) Walter Veltroni réduit l’écart à 5-6 points à 4 semaines du scrutin. Si l’on se réfère aux medias italiens, l’enjeu de la campagne ne repose pas sur un débat contradictoire portant sur les programmes. Berlusconi, le leader de la coalition de centre droit, accuse de Veltroni de plagier le sien, mais «version étatiste». Soit.
Par voie de presse italienne interposée, Walter Veltroni, qui s’est refusé à tout démenti sur le fond, s’est alors contenté de répondre : «si notre programme est une copie, alors tout va bien, il n’y a pas de raison de s’injurier ! »
D’autres critères vont pouvoir les départager.
Toute campagne repose sur une stratégie. Et celle de Veltroni semble plus hardie. Il a fait le pari de la RUPTURE. Ce mot ne nous est pas étranger…
Veltroni a été désigné candidat officiel de la gauche à la succession de Romano Prodi pour la présidence du Conseil italien. Mais son objectif affiché est pourtant clair : prendre de la distance avec le gouvernement de Romano Prodi et de son bilan.
La formation du nouveau parti démocrate est issue de la fusion, en octobre 2007, des Démocrates de gauche (DS, ex-PCI) et du parti de la Marguerite (catholique de gauche). À la tête du PD, Veltroni en Italie est considéré plus proche de François Bayrou que de Ségolène Royal.
Le refus d’être le candidat de la continuité.
Pour Veltroni, l’objectif en termes de communication et de se dissocier au maximum d’un bilan plus que mitigé. Veltroni se prononce pour une politique de rigueur afin d’assainir l’abyssale dette publique italienne. C’est un reproche qui avait été formulé à l’encontre de Romano Prodi et de son gouvernement. A chaque réunion, chaque meeting, il répète «Nous empruntons deux routes différentes, ce sont deux histoires séparées». En clair, il n’a rien de commun avec l’échec de Romano Prodi. C’est un renouveau politique. «Nous sommes la grande force de centre gauche réformiste». Walter Veltroni innove et réinvente la politique. «Nous voulons donner un signe fort de discontinuité » qui vise à travers le « renouveau » à conquérir les 30 % d’indécis, les électeurs de la gauche radicale au nom du vote utile, mais aussi une partie des anciens soutiens du centre droit. Pour incarner le « renouveau, Veltroni, 52 ans, n’hésite pas à miser sur son image personnelle face à Berlusconi, 71 ans et déjà deux fois Premier ministre.
Il rompt avec la coalition hétéroclite, impopulaire, et surtout bancale des quatorze partis qui, sous Prodi, ont gouverné l'Italie dans la confusion, ces vingt derniers mois.
Une décision raisonnée qui s’appuie sur un sondage créditant son nouveau Parti démocrate de 28,5 % des intentions de vote s'il se présente au sein de la coalition sortante, mais de 33,5 % s'il se présente seul.
Walter Veltroni décide de partir seul dans la bataille électorale, en évinçant les petites formations du centre modéré, qui ont de toute façon abandonné Prodi, mais geste encore plus fort, bien qu’il ait eu par le passé un ferme engagement dans le parti communiste, il n’hésite pas à rompre avec la gauche radicale. Net avantage de ce choix : le programme électoral n’est pas à négocier.
Rupture dans la constitution des listes.
Pour cela, il n’hésite pas à mettre en tête de liste Matteo Colaninno, le vice-président du patronat, ainsi qu’un général qui commanda les forces italiennes en Afghanistan et au Kosovo, deux préfets de police et même, pour le nord-est du pays traditionnellement acquis à la droite, le président de la Fédération patronale des industries métallurgiques.
Il rajeunit et féminise les candidats. Il se soucie de la représentativité la plus parfaite de la société. Que les candidats du PD soient une sorte de « miroir fidèle » des électeurs pour qu’ils puissent s’identifier.
On retrouve côte à côte, défendant les mêmes valeurs des entrepreneurs, des jeunes capitalistes, des employés, des catholiques, des athées.. Beaucoup de femmes (au moins 30 %), mais aussi quelques grands vieillards et enfin « une pincée de gay ». Tout le monde y est. C’est ce que les politologues définissent comme une liste « prend-tout ». ou « fourre-tout »
Rupture enfin dans le ton de sa campagne.
Exit les tensions et les conflits. Exit les rivalités et les concurrences. Un seul leitmotiv, le redressement et le bien-être de son pays. Pour cela, il occulte toute adversité.. Il déclare souhaiter un dialogue avec Berlusconi serein et constructif. Pas moins.
Rassurant, Veltroni est très populaire en Italie, Les sondages le présentent comme l'homme politique le plus aimé des Italiens. À tel point de représenter pour les Italiens le « buonista » (la belle âme) par excellence, sorte de gentil « boy-scout » qui contourne les conflits, pour prôner la voie consensuelle et diplomatique.
Toujours cordial et maître de lui, il tranche nettement avec le style berlusconien. Rappelons-nous qu’en 2001, « il cavaliere » s’était autorisé à traiter les électeurs de gauche de « couillons » et, à apeurer les électeurs indécis en rappelant que la camp d’en face était celui des « communistes qui, comme chacun sait, mangent les enfants ».
A RELATIO comme dans d’autres cénacles européens, on s’interroge évidemment sur les résultats de ces élections législatives au sein de l’Union européenne. Souvenons-nous : sous la présidence du conseil de Silvio Berlusconi, l’Italie n’était pas véritablement un partenaire de larelance européenne. Les frasques berslusconiennes au Parlement européen, quand il a traité M. Schulz, président du parti socialiste européen (PSE) de « capo nazi » ont laissé plus de traces que des propositions constructives…. Sylvio Berlusconi a renouvelé son impolitesse en offensant tous les parlementaires européens de « touristes de la démocratie ». Embarras italiens : ces incident se sont déroulés sous la présidence de Romano Prodi à la commission européenne.
Quant au traité constitutionnel, (rejeté par la France en 2005), tout le centre droit, sauf la Ligue du nord, l’avait ratifié. Il semblerait donc que cette attitude « anti-européenne » soit surtout le fait et les actes d’un seul homme, plutôt que d’un parti.
En observateurs extérieurs, les Européens comparent deux personnalités, deux histoires. Manifestement, ce ne sont pas les programmes qui vont les différencier. Donc, les électeurs Italiens pourraient bien avoir à choisir entre le puissant, l’imprévisible, l’impétueux, l'offensant, le retour de Berlusconi III, ou le « buonista », le bien-aimé, le tolérant, le rassembleur, le diplomate le jeune et nouveau Walter Veltroni.
Est-ce que la formulation de ce choix vous a choqué ?
Imaginons que la question puisse simplement effleurer l’esprit des électeurs italiens dans ces termes-là, cela signifierait qu’indubitablement, la stratégie de campagne, basée sur l’image personnelle, l’affect et la sympathie de Veltrori a fonctionné.
Réponse dans les urnes les 13 et 14 avril.
Sandrine Kauffer
REPERES
Fiche sur Silvio BERLUSCONI
- 1 L'homme d'affaires
- 2 L'homme politique
- 3 Le mécène
- 4 Ses affaires judiciaires
- 5 Berlusconi et la France
- 6 Références
- 7 Voir aussi
RELIRE SUR RELATIO LA FICHE SUR Walter VELTRONI