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En ce jour bien sombre de 1827 s'éteignait, au milieu d'un orage funeste, un des plus grands inventeurs de toute l'histoire de l'art.
Beethoven s'est bidonné comme un fou à révolutionner pratiquement toutes les formes musicales en usage à son époque. Il a laissé des morceaux d'une beauté irréelle, extra-terrestre (écoutez le quatuor en si bémol présenté ci-haut). Les niais le réduisent à sa puissance, alors qu'il a conjuré les plus tendres douceurs. Beethoven a inspiré à ces décérébrés Nazis des processions en rangs, flingues et flambeaux portés bien droits. Les vendeurs de caca en ont fait une idole disco. Hollywood a donné son nom à un chien après avoir pillé son répertoire pour accompagner des dessins animés. On voudrait le réduire à l'intro de la Cinquième (tadadadaaaaa) et à la Sonate à la Lune (qu'on a tout fait pour rendre triviale). On galvaudé son style, sa personnalité, parodié sa tête, son humeur, sa vie… Bref, on y met l'effort, pour le réduire à un cliché, le petit Ludwig.
Les symphonies ont quatre, parfois trois mouvements ? Beethoven en fera un cinquième. Scandale. Il n'y a pas de texte chanté dans une symphonie ? Ludwig s'en fout ! Les grands maîtres de l'époque travaillent tous pour un roi ou pour un autre. Notre vilain petit canard bossera à son compte toute sa vie et mourra endetté. Beaucoup de ses contemporains composent cent symphonies, dont un total de quatre pages sont inspirées. Beethoven se contente de neuf, (une dixième reste inachevée), mais en neuf chefs d'œuvres, il va constamment repousser les limites du genre, innover, révolutionner, et surtout, atteindre des niveaux de sensualité, de fluidité, de complexité et d'expression jusqu'alors insoupçonnés.
Sa grande ennemie, la surdité, grignote lentement du terrain. Au cours des dernières années de sa vie, il parvient à entendre son piano en mordant dans un bout de bois en contact avec la table d'harmonie. Pourtant, plusieurs de ses plus belles œuvres seront écrites dans ces moments, alors qu'il n'entend plus que dans sa tête les travaux qu'il confie au papier. Une de ses œuvres les plus spectaculaires, sa Neuvième Symphonie (L'Hymne à la joie) est devenue l'Hymne Européen.
Il meurt célibataire et sans enfants, emportant dans le grand silence l'identité de celle qu'il appelle dans ses écrits son immortelle bien aimée.
—© Éric McComber