Le marasme économique dans lequel la crise de 2008 nous a plongés aura au moins eu le mérite de nous faire découvrir nos voisins d’Europe. La création d’une véritable communauté homogène n’est pas une mince affaire. Nous savons pertinemment que tu y contribue de toutes tes forces grâce à ton anglais à peine compréhensible mis en pratique dans un pub irlandais à Prague, en tentant d’éponger avec un salé au fromage tout en expliquant à ton pote de comptoir portugais que Ronaldo c’est pas le nouveau Zidane. Bref, vous l’aurez compris, c’est à un tout petit plus subtil que ça. Beaucoup on tenté d’unifier l’Europe avant nous, mais peu on réussi : Attila, Charlemagne, Napoléon, Hitler. C’est maintenant au tour de l’Union Européenne de tenter sa chance avec sa puissante force de conviction basée sur la bonne volonté des pays de l’Union et des institutions pour la plupart légalement non contraignantes.
Plongeons immédiatement dans le programme d’histoire du Baccalauréat avec une piqure de rappel. L’origine du projet européen moderne est d’abord politique même s’il s’agissait au départ d’une coopération économique entre la France, l’Allemagne, le Benelux et l’Italie. La signature du traité instituant la Communauté Européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951 à Paris favorisa les échanges de matière première entre ses six pays. Cette coopération contribua grandement au renouveau économique de l’Union après la seconde guerre mondiale. L’élargissement de cette alliance permettra par la suite de contenir le bloc soviétique aux frontières du rideau de fer. Les économies devaient alors converger pour ne faire plus qu’une et l’Europe aurait dû devenir le terrain de jeu d’un libre échange à l’européenne. L’idée du projet était que la rationalité économique aurait raison des différences culturelles et de l’histoire de chaque population. Le doux rêve des Etats-Unis d’Europe. Ha !
Ne crachons pas dans le borsh et reconnaissons que la coopération économique de l’époque aura protégé l’Europe contre la troisième guerre mondiale. Mais ce schéma n’est plus valable aujourd’hui, et nous avons atteint les limites de cette collaboration. Le vieux continent est un espace relativement modeste dans lequel il suffit de se déplacer de quelques centaines de kilomètres pour rencontrer des gens que l’on a jamais vu, manger des choses que l’on a jamais mangé et voir des choses que l’on a jamais vues. Les discours très institutionnels n’évoquent que trop rarement ces différences fondamentales. « Les européens apparaissent naturellement soudés face au reste du monde, alors qu’un suédois aura sans doute plus de points communs avec un canadien ou un néo-zélandais qu’avec un ukrainien ou un grec ».
La crise nous a révélé des européens que nous ne connaissions pas. Ceux qui ne payent pas leurs impôts, ceux qui ont le sang chaud et s’indignent sans hésiter, ceux qui se renferment sur eux-mêmes comme des huîtres ou encore ceux qui ont des bas de laine à en faire pâlir les cigales. Voilà donc à quoi ressemble notre continent. Tous types d’alliances y sont possibles même si chaque pays ne ressemble à aucun autre. Rien ne s’y passera tant que ces différences fondamentales ne seront pas appréhendées et soyez garantis que la parade de la rationalité économique ne fonctionnera pas deux fois.