« TTC dans le club salooooooope! ». Que celui qui, saoûl ou non, n’a jamais crié haut et fort le début de Dans le Club jette la première pierre. Et derrière l’une des meilleurs productions de l’histoire du rap français se cache Jean-Baptiste Laubier aka Para One. Pour ceux suivant le bonhomme depuis un petit bout de temps, cette présentation peut prêter à rire mais reste nécessaire. Elle est par contre forcément réductrice oui, au vu du travail stakhanoviste du mec. Producteur hiphop et électro, dj, créateur de label (le tout nouveau tout beau Marble avec l’aide de Surkin et Bobmo), compositeur de B.O de film, concepteur d’albums pour d’autres artistes (Birdy Nam Nam ou Micky Green en ce moment même), J-B est du genre touche à tout de talent. Sauf qu’à côté de ça, on se rend compte avec hallucination que ce Passion n’est que son deuxième album, six ans -déjà!- après Epiphanie. C’est limite si on ne peut pas parler de deuxième premier album plutôt que d’une suite. De toute manière, qu’on se le dise, le talent, on ne le remettra pas en cause, il s’agit dès lors de (se) faire plaisir.
En partant de ce principe, il est alors facile de saisir la bipolarité de cet opus. Entre plaisir perso et ambition publique, entre production analogique et digitale, entre rap pop et musique électronique, entre fouilli et épurement. Dès le premier morceau, Wake Me Up, on est entrainé dans le monde schizophrène de Para One. La production se veut d’abord totalement désarticulée avant de prendre un vrai rythme dans sa deuxième partie. Ce premier titre peut servir de miroir à l’album scindé en deux parties, si on se montre un peu grossier. On commence plutôt sur une phase « classique » dirons-nous. Ou plus facile d’accès. C’est ici que l’on retrouve les morceaux à potentiel grande écoute. Avec le sexy Every Little Thing et la participation d’Irfame (monsieur refrain électro) et du gros Teki sous vocoder. Un morceau house R&B du meilleur effet et à la production léchée. Puis Vibrations, rythme africano-hiphop et son interlude so Pete Rock 90′s. HIPHOPYOUDON’TSTOP!
Mais c’est surtout avec When The Night qu’on atteint le summum. Funky-house à souhait avec relent de soul apportés par Jawet séquences samplées techniquement pointus, c’est du très haut niveau. L’équilibre entre tube et technique pur est parfait, bravo. C’est LE morceau de l’album et l’un de l’été.
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Para One – When the Night (feat. Jaw)
Para One – Every Little Thing (feat. Irfane & Teki Latex)
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C’est d’ailleurs en atteignant ce sommet que l’album part dans une toute autre direction dès le morceau suivant. On entre dans la partie plus triturée, plus torturée, plus instrumentale. Ce qui ne veut pas dire dénué d’intérêt! Même s’il faut parfois s’accrocher sur des titres comme Sigmund, Albatros ou The Talking Drums, trois morceaux plus portés sur la percussion et le travail digital, on apprécie l’acheminement de chaque production pour arriver à ses fins. On ne va pas se mentir hein, c’est difficile de ne pas y perdre son latin, surtout pour les moins initiés au genre.
On retrouve donc bien toutes les facettes de Para One, du rap à l’électronique en passant par toute une palette de styles, de logiciels et d’instruments. Parfois ça part en sucette, parfois ça reste sobre avec des morceaux tels que You, plus dans le moule house auquel le label nous a habitué depuis un an. Et puis parfois c’est entre les deux. Lean On Me, c’est un peu un doigt d’honneur à l’encontre des singles. « Tenez, c’est mon single qui lance l’album, y’a un refrain, une petite voix et une mélodie. Mais je mélange tout et je le triture le plus possible. Merci. »
Et puisqu’il faut se faire plaisir jusqu’au bout, que dire de la production d’Empire, totalement R&B pour le coup et tout nouvel exercice pour Para One. Une instru que n’aurait pas renié Timbaland en son temps où il produisait l’album de Ginuwine(les vrais savent) et smooth futuriste au possible. Plaisir final.
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Para One – Empire
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Comme sur un CV, Para One a montré toute son expérience et toutes ses facettes pour créer un album à mi-chemin entre clin d’oeil à son passé et une envie d’aller explorer d’autres horizons. Alors tout n’est pas parfait, parfois ça part un peu trop loin et les idées se percutent dans son esprit mais l’envie d’innover est là et trop grande pour être retenue. Et on ne va tout de même pas freiner un artiste dans sa créativité. Mais en tout cas chacun y trouvera son compte et c’est bien là l’essentiel.
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