Le Roquefort d’abord par Patrick Faus
En France, tout fini par.. un fromage. Tous les fromages de France et d’ailleurs ont une histoire. Ils sont intimement liés aux hommes, à une région, un village dont il porte le nom. Au fil du temps, les bergers et les autres l’ont peaufiné, amélioré, sophistiqué, ou au contraire se sont évertués à conserver sa rusticité originelle. On connaît aujourd’hui l’évolution de la consommation, des goûts, et les diktats européens sur l’uniformisation des saveurs et des couleurs. Le fromage est ainsi devenu un symbole de résistance, le représentant d’une identité. Un témoin vivant de l’harmonie de l’homme, de l’animal et de la nature.
Le roquefort en est une parfaite illustration, lui qui reste un des plus universellement connus. Un des plus anciens aussi. Pline, intellectuel, historien et néanmoins gourmand, en parle dans son « Histoire Naturelle » ou tout au moins d’un fromage fort prisé à Rome « celui de la région de Nîmes, du Mont Lozère et des pays Galabes… » (le Gévaudan aujourd’hui). Parlait-il du roquefort ou du cantal, le mystère reste entier. Charlemagne en mangea, offert par l’évêque d’Albi, et il enleva d’abord les veinules bleues au désespoir de l’évêque qui remit l’empereur dans le droit chemin. Séduit, il ne cessa de s’en faire envoyer par caisses entières à Aix-la-Chapelle. Par la suite, la réputation et le succès du roquefort ne cessèrent de grandir. Les rois légiféraient, puis Toulouse décréta en 1666 que seuls les fromages affinés dans les caves de Roquefort-sur-Soulzon étaient habilités à prétendre à ce nom. Dont acte… de naissance. Sous l’Empire, grande époque de recherches scientifiques, Chaptal alla étudier le mystère des fleurines (de l’occitan flarina, « trou souffleur ») ces courants d’air frais (7°C) et humides qui circulent par des cheminées dans les caves naturelles du Combalou où s’affinent les pains de fromage. Les libertins du 18ème siècle s’en emparent et le croient aptes à conclure une idylle amoureuse et à revigorer les amants. Les gourmets du 19ème siècle le nomment avec l’emphase du temps « Roi des fromages », « Fromage de roi » « Roi de la table » et même « Mâle vigoureux » ! Il obtient des statuts pour l’appellation d’origine en 1925, reconnu A.O.P. par l’UE en 1996, et une mise à jour de l’AOC définissant et précisant les conditions de production en 2001. Aujourd’hui, il est l’un des plus consommé en France et en Europe (Suisse, Suède, Pays-Bas, etc.) Sa zone de production s’est considérablement agrandie et a débordé des limites de l’Aveyron pour devenir un « Rayon » de ramassage du lait de brebis qui comprend entre autres la Lozère, l’Hérault, le Tarn, l’Aude…
Pâturage, laitage, et ramassage
Environ 750 000 brebis de race Lacaune, une des meilleures races laitières du monde, constituent le cheptel dédié à la production du lait et chacune donne environ 226 litres de lait par période de lactation (de six à huit mois), après le sevrage des agneaux. La traite mécanique a lieu deux fois par jour avec une moyenne de 400 brebis alors qu’un bon berger arrivait à traire 25 brebis à l’heure. Le ramassage du lait ne doit pas excéder 24 heures.
Parmi les quelque 1 980 exploitations laitières sur le « Rayon », la ferme du Puech-Février est parfaitement représentative. Proche du village de Ségur en Aveyron, elle est gérée par Christian et Noëlle Chauzy… et leurs chiens de berger. Trilogie séculaire et toujours actuelle du berger, du chien et du troupeau. Assister au travail du chien, dirigé par le berger autour du troupeau est un moment d’intense fascination, d’amour, de compréhension et de confiance réciproque. On visite la ferme, on voit les chiens et les brebis, la traite du soir, on peut y séjourner dans des « pavillons » d’hôtes, on y mange, bref on s’immerge pour un temps donné dans la vie d’un élevage. Et Noëlle Chauzy est une femme exceptionnelle, pleine de volonté, de bonne humeur, et d’amour de son travail, pleine de projets pour faire connaître sa région et son quotidien qui reste la base de la naissance du roquefort.
La ferme du Puech-Février
Puech-Février
12290 Ségur
Tél : 05 65 69 66 21
[email protected]
www.lafermedupuechfevrier.com
Ferme de découverte et pédagogique
La Fromagerie
L’étape fondamentale qui va transformer le lait en fromage. On en comptait plus de 800 en 1930, huit aujourd’hui. Premier travail : l’analyse du lait et la traçabilité de l’origine du lait, du troupeau comme du propriétaire de l’élevage. Il est ensuite réchauffé à 30°C environ, puis on rajoute la présure (uniquement animale), les ferments lactiques, et le fameux Penicillium roqueforti, véritable âme du fromage.
C’est le travail qu’effectue chaque jour la fromagerie Gabriel Coulet à Ségonzac. Joël Guiraldenq, son responsable, nous explique la philosophie de la marque : « Nous travaillons avec 144 producteurs, nous recueillons 45 000 litres de lait chaque jour et près de onze millions de litres chaque année. Nous produisons 1 700 tonnes de roquefort qui représentent environ 630 000 fromages par an, qui nous place en quatrième position derrière Société, AAA, et Papillon. Après deux années difficiles, 2011 est à nouveau en progression. Notre clientèle principale comme toutes les marques est l’adulte de 40/50 ans. Le roquefort est considéré, comme un fromage cher mais on en prend moins dans l’assiette que du cantal ou du comté. Il n’existe pas de « faux » roqueforts car l’AOC est très vigilante avec de très nombreux contrôles dans tous les pays. Quand nous avons des excédents de lait nous l’envoyons en Grèce qui sert à faire de la féta, et aujourd’hui nous les faisons payer « au camion » car nous avons eu quelques citernes impayées ! »
La recette Roquefort de Joël Guilardenq : « Je coupe une pomme, j’enlève le centre à l’intérieur, et dedans je mets le roquefort. On mange tel quel. Un bon moyen de faire aimer le roquefort aux enfants. Délicieux. »
Etablissements Gabriel Coulet
3, avenue de Lauras
12250 Roquefort
Tél : 05 65 59 90 21
www.gabriel-coulet.fr
Les Caves
Le Roquefort d’accord
Pour bien le conserver, garder le fromage dans son emballage d’origine ou une feuille d’aluminium, en bas du réfrigérateur, dans le bac à fromages. Pas de boîte hermétique car le roquefort a besoin de respirer. Le sortir environ, suivant la taille, une heure avant le service. Il se consomme généralement à la fin des repas.
Quels vins peuvent se mesurer avec cette force de la nature ?
Son goût salé, gras, persistant en bouche, appelle des blancs moelleux comme les Sauternes, les Rivesaltes, les Monbazillac, dont le sucré va équilibrer le salé et la persistance gustative du roquefort, selon Enrico Bernardo, Meilleur Sommelier du Monde 2004.
Pour Philippe Faure-Brac, un Porto Vintage d’une dizaine d’année, Churchill’s ou Taylor’s.
Philippe Bourguignon, du restaurant Laurent (Paris), préconise pour ses fameux « accords parfaits », un Jurançon pour un subtil mariage par contraste de sensations. Le Sauternes est le comble du raffinement avec un roquefort bien gras pour une harmonie exceptionnelle de texture, de puissance et en même temps de grande douceur. Enfin, selon lui, un Banyuls Rimage est un bon accompagnement harmonieux pour le roquefort.
La Sélection Gourmets&Co
Roquefort Société des Caves (Groupe Lactalis)
Avenue F. Galtier
12250 Roquefort
Tél : 05 65 58 58 58
www.roquefort-societe.com
Pour la qualité : Baragnaudes
Roquefort Carles
Tél : 05 65 59 90 28
[email protected]
Roquefort Le Vieux Berger
Directeur : Vincent Combes
3, avenue F.Galtier
12250 Roquefort
Tél : 05 65 59 91 48
www.le-vieux-berger.com