Son corps extrême, de Régine Detambel
Publié le 24 août 2012 par Onarretetout
Il y a d’abord cette formidable et féerique entrée dans le livre : un chantier nocturne sur une route, une pluie d’étoiles filantes, une biche et son faon dans la ville, un extraordinaire accident de voiture. C’est ainsi que nous rencontrons Alice. On ne le saura qu’au chapitre qui suit ce prologue. Alice dans « la béatitude de sa préhistoire ». Je n’ai pas saisi tout de suite ce qui se passait, lisant trop vite sans doute, happé par le prologue, distrait par le prologue, pas assez attentif à cette femme dont je n’ai d’abord vu, dans la lumière blanche qui pique les yeux, que la tête ensanglantée. Régine Detambel avance avec elle, en elle, soulevant « d’anciennes émotions qui n’étaient oubliées qu’en surface », et je suis moi-même obligé de ralentir, de revenir. De faire miens ces souvenirs qui me sont ainsi donnés, comme ce « projet auquel je dois travailler petit à petit sans relâche et sans jamais douter ». Revenir jusqu’à l’histoire des parents, de l’enfant qu’elle a été, de l’enfant qui est né d’elle. Saisir une grenouille dans les mots de son propre père, puis dans ceux du père de son propre enfant. « N’empêche, le coma, la vie comme fonction, c’était quand même plus reposant que la vie comme histoire ». Et puis, c’est « toujours le futile récit du fardeau de la vie », jusqu’à cette rencontre, dans l’établissement de rééducation, d’un homme qui va lui expliquer avec des mots très simples que « le vide ça n’existe pas ». Alors elle va tout à la fois retrouver la marche et le souvenir enfoui au plus profond, terrible et, contre toute attente (du lecteur que je suis), absolument vital : elle fera un pas, puis un autre, tombera, se relèvera. C’est un livre où chaque relecture me fait découvrir une nouvelle piste comme celle du conte surgissant ici et là, ou celle du feu qui, à plusieurs reprises, crépite, depuis cette pluie d’étoiles qui l’ouvre jusqu’à la flambée qui le clôt.