Le deuil

Publié le 24 août 2012 par Mentalo @lafillementalo

Arrive-t-il un jour où l’on cesse de s”émouvoir devant la forme parfaite d’une oreille de nouveau-né parfaitement ourlée? d’une bouche rouge framboise si délicate? d’un petit doigt minuscule?

Arrive-t-il un jour où l’on cesse d’être chavirée par l’odeur du cou d’un tout-petit, mélange de lait, de savon et de sueur sucrée?

Arrive-t-il un jour où l’on cesse d’avoir envie de serrer dans ses bras à l’étouffer la chair de sa chair, de l’observer des heures durant, se réconciliant ainsi avec la terre entière?

Arrive-t-il un jour où l’on renonce au miracle de la vie?

Difficile de croire qu’un jour tout cela finit par arriver, que les grands poussent,  que l’on se range, que l’on dise “c’est fini”. Et pourtant, un jour, il le faut. Etre raisonnable. Passer à autre chose. Admettre qu’il y a un temps pour tout.

A quelques heures ou quelques jours de la fin de cette quatrième grande aventure, je sais pourtant que c’est la dernière. Parce que je n’ai plus vingt ans. Parce que j’ai eu beaucoup de chance déjà. Parce que les grands ont besoin eux aussi d’attention. Parce que cette grossesse a été éprouvante au point de me faire entendre raison: je ne serais tout simplement plus capable physiquement d’en vivre une autre. Et c’est bien ainsi, ça simplifie mon renoncement, étape propre et commune à toute mère.

Alors je suis sereine. Je vis ces derniers instants pleinement, malgré les journées chaudes de canicule, les nuits sans sommeil, la fatigue accumulée, les maux divers qui me freinent. Jamais je pense je n’aurai été aussi fatiguée avant d’accoucher. Jamais peut-être aussi consciente que chaque instant est et sera précieux. Jamais aussi seule dans mon cheminement obligé. Je suis prête. Cet enfant, l’Ultime, peut venir. Je suis enfin disponible pour lui. Lui, l’oublié de ces derniers mois, entre tâches à accomplir, aînés à satisfaire, travail, obligations, temps qui passe et vie qui court.

Tout a un sens, finalement.