Le «Ville de Kolwesi» est au Bourget
Bien sûr, l’armée de l’Air ne voulait pas rater cette occasion : arrivé à bout de potentiel, le C160 Transall R18 baptisé «Ville de Kolwesi» --en souvenir de la mission historique au Zaïre de 1978-- méritait plus que tout autre de rejoindre les collections du musée de l’air et de l’espace du Bourget. C’est chose faite depuis cette semaine.
Reste le fait que la situation est paradoxale : le C160 est d’ores et déjà préservé, immortalisé, alors que le premier exemplaire de son successeur,l’A400M, n’est pas encore livré. C’est une manière évidemment involontaire de rappeler que la relève affiche un grand retard et que les militaires contiennent difficilement leur impatience de la voir enfin arriver. Le R18, dans cette optique, est exemplaire : il a accumulé non moins de 43 années de bons et loyaux services.
Le gros bimoteur connaît ainsi une fin de carrière peu banale, étant tout à la fois pièce de musée, au sens propre, et type d’avion de transport encore tout à fait opérationnel, avec l’aide discrète de CN235, plus modestes, certes, mais néanmoins utiles pour maintenir un potentiel de transport convenable au sein de l’armée de l’Air.
On finissait par l’oublier : le premier vol du Transport Allianz franco-allemand remonte à février 1963. Il y aura donc 50 ans, au début de l’année prochaine, que ce symbole de la coopération aéronautique construite par-dessus le Rhin est devenu réalité, avec l’aide de Rolls-Royce qui a fourni le puissant turbopropulseur Tyne Mk.22 de 5.665 ch. Il faut remonter le fil des arbres généalogiques industriels pour retrouver les acteurs de l’époque, Nord-Aviation pour la France, Weser et HFB pour l’Allemagne. La suite de l’histoire a confirmé qu’ils étaient faits pour s’entendre durablement puisque tous ont abouti dans le giron d’EADS après de multiples épisodes.
Détail remarquable, qui fait aujourd’hui rêver les industriels, le C160 a volé début 1963 et est entré en service dès 1965. C’était pourtant un programme ambitieux, complexe, conduit par des entreprises qui n’étaient pas habituées à travailler ensemble et encore moins à la coopération européenne. Si ce n’est d’utiles balbutiements liés, notamment, au Breguet Atlantic de surveillance maritime et de lutte contre les sous-marins.
Dans cet esprit, le C160 a incontestablement joué un rôle fondateur de grande importance. Bien mené, sans doute parce que les ingénieurs, et non pas les financiers, étaient alors au pouvoir, conduit par des dirigeants clairvoyants, cet avion a engendré un mouvement de rapprochement, de cohésion, dont ont bientôt profité les pères fondateurs d’Airbus. On l’a oublié : l’A300B est né franco-allemand, c’est-à-dire binational, avant de bénéficier du renfort du Royaume-Uni puis de l’Espagne. De ce fait, le C160 mérite doublement le titre d’avion historique.
Son arrivée au Bourget, a dit Catherine Maunoury, directrice du musée, a constitué un événement riche en émotion. Un avion de transport qui, a-t-elle ajouté, fait bel et bien partie de l’armée de l’ombre qui, dans la discrétion et l’anonymat, a bien servi son pays, ses pays. C’est, en effet, bien plus qu’un avion de transport militaire : le C160 a imaginé, permis, développé l’aviation humanitaire. Un peu plus tôt que prévu, le voici donc d’autant mieux à sa place.
Pierre Sparaco-AeroMorning
(photo Ph. Janin)