La toute première idée de cette histoire a germé en août 1995, au cours de mon premier voyage au Québec.
Lors de ce road-trip, en partant de Montréal, j’avais prévu de passer par Ottawa, puis de prendre vers le nord en direction de Chibougamau, avant de redescendre vers Québec via le lac Saint-Jean et la vallée du Saguenay, le plus grand fjord intérieur du monde. J’ai parcouru un peu plus de 3500 kilomètres en visitant les réserves amérindiennes situées sur ma route, axe principal de mon séjour.
J’ai eu l’occasion de planter ma tente dans un certain nombre d’endroits complètement perdus, notamment dans des réserves fauniques qui émaillent le pays d’étendues immenses et sauvages (gare aux ours !), ainsi qu’au rassemblement des Archers Traditionnels du Québec, à Notre-Dame de Pontmain, au nord d’Ottawa.
Tout juste remis de ma victoire aux championnats de France de tir à l’arc Nature, deux mois plus tôt, discipline plutôt réglementée, cette manifestation m’a ouvert à un autre monde, celui où l’on tire des cibles mobiles depuis un canoë, d’autres projetées sur un écran en pleine nuit, et où l’on pratique même le base-ball et le ball-trap à l’arc.
J’y ai rencontré des hommes passionnés d’archerie venus de toutes les régions du Canada, et un certain nombre d’Amérindiens du Québec, principalement des descendants des Hurons.
En simplifiant, les différentes nations que j’ai visitées sont implantées au Québec comme ceci : les Mohawks près de Montréal, les Cris près de Chibougamau, les Montagnais dans la région du lac Saint-Jean, les Hurons vers Québec, et les Abénaquis dans le secteur de Trois-Rivières.
Mais la rencontre qui a été vraiment déterminante pour initialiser Quatre racines blanches a été sans conteste la soirée et la nuit que j’ai passées au milieu du rassemblement des Jeunes Autochtones du Québec, alors que j’étais en route vers le nord et que je cherchais un coin tranquille pour planter mes sardines au bord de la rivière des Outaouais. Je suis arrivé dans ce coin complètement par hasard, et comme il se faisait tard, j’ai demandé l’autorisation de m’installer au milieu du campement autochtone, un événement qui n’était signalé nulle part sur la route, et où les petites têtes blondes de mes filles attiraient très fortement l’attention…
Lors de cette réunion, j’ai assisté à des danses traditionnelles, j’ai écouté les voix des vieilles femmes qui évoquaient la vie disparue du passé, puis celles des jeunes qui parlaient de leurs difficultés actuelles et de leurs angoisses face à l’avenir. J’ai ressenti les chants jusqu’au plus profond de mon squelette, rythmés par les tambours des hommes et les clochettes accrochées aux mollets des femmes et des enfants.
À la suite de ce périple, un constat s’imposait. Les Amérindiens du Canada sont multiples et, pour la majorité, intégrés à la civilisation nord-américaine.
Cependant, la misère et l’alcoolisme, ainsi que la drogue et les profits faciles liés aux trafics en tous genres, génèrent chez une minorité d’autochtones une attitude de rejet total du monde que l’Amérique conquérante leur a imposé.
Sur ces modestes terres indiennes qui leur ont été arbitrairement attribuées au XIXe siècle, ils tentent de vivre avec dignité, malgré les exactions de quelques-uns des leurs qui n’acceptent toujours pas la poigne de fer de leur vainqueur. Ici, le pouvoir de la police s’arrête, et seul celui de l’armée, en cas de conflit, peut outrepasser le pouvoir de la police tribale.
Chez les Mohawks, mais également chez les Hurons, les Montagnais, les Cris, les Ojibwas et de nombreuses autres nations du Nord, certaines traditions perdurent malgré la violence et la pauvreté. Les anciens en sont les garants, et ils transmettent leurs valeurs à ceux de leurs enfants qui entendent leur voix au milieu du tintamarre moderne de la course à l’individu.
Il n’en fallait pas plus pour me donner envie de planter le décor d’un thriller contemporain aux accents de traditions ancestrales. Quelques années de réflexion, quatre voyages supplémentaires au Canada et deux autres romans m’auront été nécessaires avant de me lancer en 2010 dans l’écriture de cette intrigue enneigée, qui a abouti le 12 avril 2012 avec la parution de Quatre racines blanches aux éditions des Nouveaux Auteurs.
Cerise sur le gâteau, j’ai eu la chance de pouvoir faire lire le manuscrit de Quatre racines blanches à Andrea H. JAPP, qui a ensuite accepté d’ajouter au quatrième de couverture un commentaire signé de sa main. Madame JAPP, en plus de son activité d’écrivain de polars et de romans historiques, est également la traductrice officielle des romans de Patricia Cornwell en français.
Mon cinquième récit sera bientôt achevé, a priori courant aout 2012. J’y retrouve mon équipe d’enquêteurs préférés, mais j’ai axé cette histoire sous un angle que je n’avais pas encore exploré jusque-là, et dans lequel ils devront laisser une place d’importance à un personnage très inquiétant…
Le sixième se profile déjà à l’horizon, début d’écriture prévu début 2013, après une récréation de quelques mois en direction du théâtre, si je tiens les temps que j’envisage.
Une chose est sûre : il me reste du pain sur la planche…
Quatre racines blanches est dédié à mes amis avec qui j’ai vécu en forêt des semaines hors du temps, l’arc à la main, et le cœur dans les étoiles.
Jimi, Michèle, Hervé, Gilles, Yves, Chris, Rob : ces moments sont gravés à jamais dans ma mémoire.
Bande-annonce du roman :