C'est donc ça, le travail du deuil ?
Pour moi, une espèce d'acédie, de lassitude que je ne saurais qualifier de douleur. Finalement, peut-être est-ce que je mets en pratique ce stoïcisme dont je me suis toujours senti proche : le passé n'est plus, le futur pas encore, investissons le présent !
Quoiqu'il en soit, guère d'appétit pour la lecture, ni pour l'écriture, quoique mes nuits soient peuplées de phrases qu'au matin je n'ai pas la force de retranscrire, mais qui s'inscrivent dans ma mémoire : on verra plus tard.
Mis de côté, donc, mais il me tombait des mains, le Michelet et son Histoire de la Révolution française, ajournant ainsi mon projet d'étude à rebours de la période 1789-1830. Il est, toutefois, intéressant de voir comment chaque époque construit son histoire; mieux : comment chaque individu le (la) fait, compte tenu de son milieu, de son éducation, des idéologies dominantes, etc. Témoin le titre du premier chapitre du Livre IX (je m'en suis tenu au procès du roi fin 1792) : Louis XVI était coupable.
Et plusieurs autres livres, refermés sitôt quelques pages lues : rien ne m'intéresse, mon attention ne peut se fixer.
Jusqu'à ce que, littéralement, un livre me tombe sur la tête, du haut de ma bibliothèque où, naturellement, il s'était perché, comme je passais devant : Le goût des chats. Reçu en décembre dernier à la Saint-Sylvestre, par quel hasard s'est-il retrouvé là sans que je le lise ? Bref, il m'a, dirait-on, sauté dessus, comme un gros matou coquin et, comme chacun le sait, on ne résiste pas aux douces séductions du chat, qui nous a si bien domestiqués, que je me suis laissé aller à l'entreprendre, d'abord quelques pages, lentement, puis un peu plus avant, notamment à l'occasion des nombreux bains qu'un fâcheux contretemps sur lequel nous, ô combien mortels, glisserons me force à prendre plusieurs fois par jour.
Plusieurs extraits de textes sur le chat de du Bellay à Yves Navarre, joliment présentés par Jacques Barozzi qui les a choisis pour la collection Le petit mercure du Mercure de France.
Parfait accompagnement pour un petit quart d'heure dans la salle de bain, d'autant que, par quel instinct, le chat Ludo tient à ce que je lui en fasse la lecture. Pour Baudelaire, le commentaire n'a pas tardé, qui parlant de son chat pense à sa maîtresse. « Fi donc, dit-il, et prend-on un steak pour la frite, une frisée, les lardons ? ». Deux observations s'imposent ici. Premièrement, je tiens le chat Ludo pour un misogyne, lui qui supporte difficilement toute présence féminine chez moi -- quelle voix aigrelette et haut perchée lui aura donc, dans l'enfance, rendue la femme infréquentable ? Ensuite, on remarquera l'audacieuse ellipse de la préposition « pour » dans sa saillie.